Les séneçons : plantes toxiques

Plantes herbacées communes à fleurs jaunes, les séneçons sont considérés comme des adventices des prairies, notamment du fait de leur toxicité pour les herbivores en cas d’ingestion. Ils contiennent des substances toxiques qui détruisent les cellules du foie de façon irréversible. Peu attractives du fait de leur goût amer, ces plantes sont normalement ignorées par les chevaux au pâturage. Ces derniers s’intoxiquent le plus souvent en consommant du fourrage contaminé, le séchage diminuant l’amertume, ou en cas de disette au pâturage, notamment lors d’étés secs.

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Par Laetitia LE MASNE - Nelly GENOUX - | 22.06.2023 |
Niveau de technicité :
séneçon de Jacob
Sommaire

Comment reconnaître/différencier les espèces de séneçon les plus fréquentes ?

Les séneçons sont des plantes herbacées communes à fleurs jaunes appartenant à la famille des Composées (Asteraceae), dont fait partie le pissenlit. Sur les plus de 1 200 espèces de séneçon répertoriées dans le monde, trois principales espèces peuvent être trouvées en France :

  • Deux espèces indigènes, originaires d’Europe :
    • Le séneçon commun (Senecio vulgaris)
    • Le séneçon de Jacob (Jacobaea vulgaris)
  • Une espèce invasive, originaire d’Afrique du Sud : le séneçon du Cap (Senecio inaequidens)

séneçon commun
Séneçon commun © N. Genoux / IFCE
séneçon de Jacob
Séneçon de Jacob © N. Genoux / IFCE
séneçon du Cap
Séneçon du Cap © N. Genoux / IFCE


Si elles possèdent certains points communs, ces espèces sont néanmoins assez facilement distinguables. Voici un tableau de comparaison présentant leurs principales caractéristiques.

Espèce de séneçonSÉNEÇON COMMUN
Senecio vulgaris
SÉNEÇON DE JACOB
Jacobaea vulgaris
SÉNEÇON DU CAP
Senecio inaequidens
Durée de viePlante annuellePlante bisannuelle, mais certains pieds persistent au-delà de 2 ans (plante alors qualifiée de vivace)Plante vivace (pluriannuelle)
HabitatJardins, milieux pauvres, bord de routes/chemins...Prairies, jachères, champs cultivés, talus, bord de routes/chemins, lisière de bois...Long des axes de communication, talus, zones abandonnées, côtes…
Aspect généralPort dressé, avec des tiges ramifiées dès leur basePort dressé, avec des tiges ramifiées au sommet (forme en éventail)Forme buissonnante, avec de nombreuses tiges très ramifiées, couchées à la base puis qui se redressent, parfois légèrement ligneuses
Hauteur (en cm)15-4050-12040-80 (parfois jusqu'à 110)
Période de floraisonRépartie sur toute l'annéeDe mai à septembreDe juin à décembre
FleursCapitules de fleurs jaunes tubulées, dont l'involucre est tâché de noir
Capitules cylindriques non bordés de ligules (sortes de pétales) jaunesCapitules de 15-25 mm de diamètre, bordés de ligules (sortes de pétales) jaunes et regroupés en corymbe au sommet des tiges fleuriesCapitules de 15-25 mm de diamètre, bordés de ligules (sortes de pétales) jaunes, à l’extrémité de chaque tige
FeuillesAlternes (disposées alternativement de part et d'autre de l'axe de la tige), très découpées, glabres (sans poils) à légèrement pubescentes (munies de poils)Alternes, linéaires, à nervure centrale saillante, souvent munies d'un groupe de petites feuilles filiformes à leur aisselle, parfois légèrement dentées
De couleur vert foncé plutôt mat

De couleur vert foncé luisant

FruitsAkènes de forme cylindrique surmontés d’une aigrette plumeuse, de couleur blanc argenté
Séneçon commun

séneçon commun
Les fleurs © N. Genoux / IFCE
séneçon commun
Les feuilles © N. Genoux / IFCE
séneçon commun
Les fruits © N. Genoux / IFCE


Séneçon de Jacob

séneçon de Jacob
Les fleurs © N. Genoux / IFCE
séneçon de Jacob
Les feuilles © N. Genoux / IFCE
séneçon de Jacob
Les fruits © N. Genoux / IFCE


Séneçon du Cap

séneçon du Cap
Les fleurs © N. Genoux / IFCE
séneçon du Cap
Les feuilles © N. Genoux / IFCE
séneçon du Cap
Les fruits © N. Genoux / IFCE


Ces trois espèces de séneçon ont la particularité de bien résister à la sécheresse ainsi qu’aux hivers froids. Leurs fruits très légers, facilement transportables par le vent, leur confèrent également une bonne capacité de dissémination.

Quelles sont les circonstances d’intoxication au séneçon ?

séneçon de Jacob
Le séneçon est rarement consommé sur pied, sauf en période de sécheresse © N. Genoux / IFCE

Qu’elles soient consommées sur pied au pâturage ou séchées dans les fourrages, toutes les parties du séneçon (feuilles, fleurs, fruits…) sont toxiques pour le cheval en cas d’ingestion, particulièrement aux premiers stades de végétation (jeunes pousses). Si la plante est généralement ignorée par les chevaux au pâturage du fait de son goût amer, il arrive cependant que les chevaux en consomment dans des conditions particulières :

  • En diminuant l’amertume, le séchage rend le séneçon séché dans les fourrages plus appétent que le séneçon sur pied. Les foins et les enrubannés de prairies de mauvaise qualité, envahies par des séneçons, constituent ainsi une source majeure d’intoxication.
  • En période de sécheresse, lorsque les espèces fourragères d’intérêt commencent à souffrir et que le couvrir prairial se dégrade, le séneçon, qui résiste bien aux conditions sèches, devient plus attractif. Il arrive alors que les chevaux en consomment, notamment les fleurs et les feuilles.

La plante renferme des molécules hépatotoxiques : les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP). Après ingestion, ces substances sont métabolisées au niveau du foie en métabolites très toxiques pour les vertébrés, notamment pour les chevaux, et y provoquent de graves lésions hépatiques, souvent mortelles.

Le séneçon commun serait moins toxique que le séneçon de Jacob et le séneçon du Cap. La richesse en alcaloïdes pyrrolizidiniques dépend cependant de nombreux facteurs (comme les conditions pédoclimatiques) et la toxicité de la plante est en réalité très variable d’une espèce à l’autre, voire au sein d’une même espèce. De plus, la sensibilité des chevaux aux AP serait également variable d’un individu à l’autre. Cela pourrait expliquer que, dans une même pâture envahie de séneçons, les individus ne présentent pas tous le même tableau clinique en cas d’ingestion de la plante.

Quels sont les signes cliniques d'une intoxication au séneçon ?

Suivant l’exposition du cheval à la plante, l’intoxication peut évoluer de façon chronique ou aiguë. La sévérité des signes cliniques dépend de la quantité de substances toxiques ingérée.

Une intoxication le plus souvent chronique

L’intoxication chronique fait suite à une consommation régulière de petites quantités de séneçon (de l’ordre de quelques dizaines de grammes par jour) sur plusieurs semaines. Celle-ci génère une accumulation progressive de métabolites toxiques dans le foie. Le cheval semble en bonne santé jusqu’à l’apparition brutale de signes cliniques, parfois plusieurs mois après le début de l’ingestion. Progressivement, on observe :

  • Un amaigrissement sans perte d'appétit
  • Une dysorexie (troubles de l’appétit) qui accélère l'amaigrissement
  • Des coliques récidivantes
  • De l’ictère (coloration jaune des muqueuses)
  • Une photosensibilisation (sensibilité anormale de la peau à la lumière du soleil) se traduisant par des réactions allergiques

En phase plus avancée, l’atteinte hépatique est si importante que le foie ne peut plus jouer son rôle de détoxification de l’organisme. L’ammoniaque n’est donc plus métabolisé par le foie et intoxique l’organisme. S’en suivent alors des troubles nerveux, signes d’une encéphalose hépatique, avec une dégradation plus ou moins brutale selon les chevaux :

  • Modifications de l’état de conscience : excitation ou, au contraire, abattement
  • Ataxie (défaut de coordination motrice)
Plus rarement, des intoxications aiguës

Plus rare, l’intoxication aiguë fait suite à une ingestion en quelques jours seulement d’une quantité importante de séneçon, correspondant à 3 à 5% du poids vif du cheval (soit 15 à 25kg). Elle aboutit à une mort rapide après apparition de troubles nerveux (phases d’excitation et d’incoordination, associées à une baisse de la vision, engendrant des blessures) et digestifs (coliques, perte d'appétit, impactions de l'intestin, soif excessive).

En raison de la diversité des signes cliniques, du temps de latence parfois long entre l’ingestion et l’apparition des signes cliniques et du manque de spécificité des signes cliniques et biochimiques (concentrations plasmatiques de certaines enzymes, concentration plasmatique en acides biliaires…) liés à cette affection, le diagnostic est délicat à établir avec certitude. Et ce, d’autant plus qu’au sein d’une même parcelle, certains chevaux peuvent présenter des signes plus ou moins tardivement, voire être asymptomatiques. Il existe très probablement des variations individuelles en termes de tendance à consommer la plante et de sensibilité à ses substances toxiques.

Quel traitement ?

Il n’existe actuellement pas de traitement spécifique disponible pour les équidés. Il est recommandé de réaliser un bilan biochimique en cas de doute, c’est-à-dire sur tout cheval ayant été présent dans un pré contenant du séneçon ou en cas de suspicion de contamination d’une balle de foin. Ce bilan permettra de vérifier l’absence de problèmes hépatiques et, le cas échéant, de mettre en place le plus rapidement possible un traitement palliatif pour soutenir la fonction hépatique avant que les signes cliniques apparaissent. Ce dernier consiste notamment à :

  • Distribuer une ration plutôt riche (mais pas trop !) en glucides (mélasse, pulpe de betterave, céréales…) et pauvre en protéines (dont la métabolisation participe à la production d’ammoniaque, donc à l’apparition des troubles nerveux) en la fractionnant en un certain nombre de petits repas (4 à 6 repas/jour).
  • Administrer des hépato-protecteurs.
  • Mettre le cheval au repos et éviter tout stress.

Lorsque le traitement est pris à temps, les chevaux récupèrent souvent totalement. Le pronostic est sombre dès lors que le cheval présente des signes nerveux. Selon les études, la mortalité s’élève à 60% des cas.

Quels sont les moyens de prévention ?

Il s’agit de mettre en place des bonnes pratiques pour maintenir un couvert végétal de qualité sur les prairies, que ces dernières soient destinées au pâturage ou bien à la fauche, afin de ne pas offrir trop d’opportunités de développement / prolifération au séneçon. Si l’herbe est dense et de bonne qualité, les adventices (espèces indésirables, comme le séneçon) auront en effet plus de mal à se développer que si le couvert est pauvre. Pour cela :

Assurer une bonne gestion du pâturage
  • Éviter le surpâturage en diminuant le chargement (nombre d’équidés par hectare) et en augmentant les temps de repos des prairies.
  • Limiter le pâturage pendant les périodes sèches ou, le cas échéant, complémenter en foin.
  • Faucher les refus pour favoriser une meilleure repousse des espèces prairiales.
  • Mettre en place un pâturage tournant pour favoriser une pousse de l'herbe homogène.
  • Mettre en place un pâturage mixte avec d'autres espèces herbivores (bovins…) pour tirer profit de leur complémentarité de pâturage.
Bien entretenir ses prairies

En prévention

Sur les sols dégarnis, effectuer un sursemis de graminées (ray-grass anglais…) et/ou légumineuses (trèfle blanc...) fourragères, voire labourer puis ressemer la prairie quand cette dernière est trop abîmée (>20% de la surface dégarnie et/ou rapport espèces prairiales/adventices trop faible).

Si seulement quelques pieds de séneçon sont présents dans la parcelle

Lorsque seulement quelques pieds de séneçon sont présents de façon éparse dans ou à proximité des prairies, il est tout à fait envisageable de les arracher à la main (surtout le séneçon du Cap) en veillant cependant à les brûler (ne pas les jeter en fumière ou sur un tas de compost, pour éviter tout ensemencement lors de l’épandage du fumier). Il est recommandé d’intervenir au stade jeune plantule ou floraison, avant la production de graines, au risque de favoriser la dissémination de la plante.

Lorsque la prairie est bien colonisée

Lorsque la prairie est déjà bien envahie, il est parfois nécessaire d’avoir recours à la lutte chimique. Il s'agit alors de désherber la prairie en appliquant un traitement herbicide localisé « anti-dicotylédones ». En limitant l'usage des désherbants uniquement sur les zones ou plantes à traiter, le traitement localisé « plante par plante » est la meilleure technique, plus raisonnée.

L'utilisation de produits phytosanitaires doit être réalisée uniquement par des personnes habilitées (voir focus sur Certiphyto ci-dessous) et dans des conditions de température, de vent et d'hygrométrie favorables. Le stade feuillu des adventices est le plus favorable pour réaliser le traitement.
Focus Certiphyto ⇒ Le Certiphyto est un certificat individuel pour sécuriser l'usage des produits phytopharmaceutiques (herbicides, insecticides, fongicides). Tous les professionnels (chef d'exploitation et salariés) qui travaillent avec des produits phytopharmaceutiques sont concernés par la réglementation française et européenne. La directive européenne (2009/928/CE) prévoit une formation obligatoire initiale et continue pour acquérir et mettre à jour ses compétences sur l'usage des produits phytopharmaceutiques. Le Certiphyto est obligatoire pour tout utilisateur depuis le 1er octobre 2014. S'adresser à la DRAAF (Direction Régionale de l’Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt) de votre région.

Des pistes de lutte biologique ?

Le recours à des « auxiliaires des cultures », comme l’introduction d’une rouille spécifique (champignon parasitant la plante et provoquant des pustules jaunes-orangées sur ses feuilles, affaiblissant les plants) ou d’un puceron prédateur du séneçon dans les parcelles colonisées, est également à l’étude. Ces derniers agissent en tant qu’antagonistes des organismes nuisibles aux cultures.

La lutte contre les séneçons est une entreprise de longue haleine. L’information et la vigilance des propriétaires de chevaux est capitale pour limiter le risque d’intoxication, en vert ou par les fourrages, insidieuse et souvent irréversible.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE

Bibliographie

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  • Comité National de Tourisme Équestre et Comité Départemental de Tourisme Équestre du Loir-et-Cher (2005). Guide des plantes toxiques pour le cheval. Paris, Comité National de Tourisme Équestre, 72 pages.
  • MILLECAMPS J.M. (2004). L’herbier de St Georges - Guide des plantes toxiques pour les équidés. Éditions La Tanière, 132 pages.
  • PASSEMARD B. et PRIYMENKO N. (2007). L’intoxication par les séneçons, une réalité en France. Revue de Médecine Vétérinaire, 158, pages 425-430.
  • PAVILLOT C. (2010). Bilan 2008 des appels reçus au CNITV de Lyon. Étude spécifique des intoxications chez les équidés. Thèse pour obtenir le grade de docteur vétérinaire, Université Claude-Bernard - Lyon I, Lyon, 127 pages.
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  • ROYER M. (2017). Les intoxications équines en France : état des lieux et fiches pratiques à l’usage des vétérinaires. Thèse pour obtenir le grade de docteur vétérinaire, VetAgroSup, Lyon, 230 pages.
  • SARCEY G., GAULT G. et LORGUE G. (1992). Les intoxications par les séneçons chez les équidés. Le Point Vétérinaire, 23(141), pages 71-77.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 08 05 2024

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