Il faut le dire vite. Aussi vite que le bestiau détale quand il a peur. Alors, on s’y risque : le lièvre, c’est une sorte de gros lapin. Vite dit donc, mais faux, tout faux. Le lièvre, en vrai, c’est un drôle d’oiseau. Un champion qui fait des trucs de ouf.  Pas toujours classieux.

Bon, en étant tout à fait objectif, on peut l’entendre : de loin, avec de mauvais yeux, de mauvaises lunettes et par temps de brouillard, le lièvre et le lapin…  se ressemblent un peu. Un très gros lapin peut passer pour un petit lièvre.

Mais les différences sont énormes. Jeannot (le lapin) est beaucoup plus petit que Rapido (le lièvre) : moins de 50 cm sous la toise et autour de 1,5 kg sur la balance pour le premier contre près de 70 cm
et jusqu’à 5 kg pour notre invité du jour. Même chose pour les oreilles : 8 cm pour Jeannot, 11 cm pour Rapido avec une jolie tache noire aux extrémités… « Et la tête ? »  Demande l’alouette. Ben, c’est pareil. Enfin, au sens où elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre : plutôt ronde pour Jeannot, allongée pour Rapido.

Et question mode de vie, Jeannot et Rapido cultivent encore (comme France Inter) leurs différences. Rapido vit plutôt seul sur un vaste territoire. Et il ne se foule vraiment pas pour installer son « chez lui ». Son « gîte », il dit pour désigner un simple creux dans lequel il s’aplatit et reste immobile pour jouer le « lièvre invisible ». Sûr de son talent, il ne détale de son logis sommaire que quand le danger lui semble vraiment trop proche. Et là, il fait mieux qu’Usain Bolt : il lui arrive de tutoyer les 80 km/h quand le champion jamaïcain a plafonné, au sommet de son art, à 44 km/h.

Fruits d’un accouplement gagné au terme de courses folles et de violentes bastons entre mâles prétendants, les levrauts naissent un peu comme Johnny, « dans la rue »
(de la campagne) avec un pelage et les yeux ouverts.

À l’inverse, Jeannot apprécie la compagnie.

Il vit en groupe et loge dans un terrier qu’il a creusé à la sueur de son joli front et, surtout, de ses pattes antérieures.

Ses petits, les lapereaux, naissent nus et aveugles… Dernière différence, et elle est de taille. Toujours comme Johnny, le lièvre reste un animal 100 % sauvage, alors qu’il existe des lapins domestiques… comme Dick Rivers, par exemple….

Bon, allez, là, on cesse de tergiverser. On vous dit tout sur les « trucs de ouf » évoqués au début pour vous appater. Si on a traîné en route, c’est qu’on est très timide, très prude aussi. On hésitait à franchir le seuil de la vraie vie privée de Rapido. On doit en effet à la vérité de ne pas cacher deux spécificités de notre champion de vitesse qui en font un drôle d’oiseau. Vraiment !

Bon, ben, on se lance : Rapido pratique la cæcotrophie et la superfétation. Pour expliquer la première nommée, on dira que Jeannot mange son premier caca, ses premières crottes. Et qu’il remet le couvert, il les avale une seconde fois, après avoir évacué la première « ruminance ». Les deux première « crottées » sont molles et couvertes de mucus. Enrichies lors des deux pré-digestions, elles fournissent à Rapido l’azote protéique et les vitamines B, indispensables à sa survie.

La superfétation multiplie aussi les plaisirs de la hase (la meuf de Jeannot). Elle lui permet de mettre au monde jusqu’à quatre portées par an. Elle peut en effet être saillie quatre jours avant la naissance et porter de trois à sept petits répartis entre les deux utérus. Dans l’un, les prêts à naître, dans l’autre ceux qui verront le jour cinq semaines plus tard.

Un champion, Rapido, on vous disait. On aurait dû écrire championne tant c’est sa meuf qui fait le plus dur.