Le grappage

Le grappage, ou comment fabriquer un couteau à partir d’un tas de vis

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L’acier hétérogène

L’acier est un alliage de fer et de carbone. Le pourcentage de carbone modifie les caractéristiques physiques du métal. Schématiquement, les aciers doux (à faible taux de carbone) sont mous et souples et les aciers durs (à fort taux de carbone) sont durs et cassants. Le fait de mêler ces deux types d’acier dans une même pièce permet de combiner leurs avantages, c’est ce que l’on nomme de l’acier hétérogène. L’acier dur améliore le tranchant et l’acier doux rend la lame plus élastique. Pour en fabriquer, la technique la plus connue est le damas. Elle consiste à souder de l’acier doux sur de l’acier dur. Le métal est ensuite replié sur lui même à de multiples reprises pour obtenir une sorte de millefeuille.

Jusqu’au moyen âge, le métal était produit avec des bas fourneaux. Ceux ci produisent un acier très particulier. Ce que l’on nomme loupe de fer est une sorte d’éponge de métal contenant des porosités, des poches de silice et des morceaux de charbon. Mais sa principale qualité est qu’elle est constituée d’acier hétérogène. Malheureusement, les bas fourneaux ont disparu au profit des hauts fourneaux et il est pratiquement impossible de
se procurer des loupes de fer.

Le grappage

C’est ici qu’intervient un article publié dans Les Nouvelles de l’archéologie qui décrit la technique du grappage. Celle-ci permet de recycler de vieux fers pour les agglomérer en une loupe de fer identique à celle produite par un bas fourneau

bas fourneau
Grappage : L’air est injecté à la base du foyer, la colonne de charbon se consume par le bas ce qui la fait descendre progressivement. En descendant, elle entraine les morceaux de métal. Ceux-ci s’agglomèrent sous la zone chaude pour former la loupe.

L’expérience a été reproduite ; du charbon et des petits morceaux de fer ont été introduits dans un foyer profond. La matière première était des plus sommaires : un tas de vieilles vis. Celles-ci sont constituées d’acier doux, mais à haute température le carbone crée de l’acier dur en surface des pièces. Cette méthode a permis de produire une loupe de fer tout à fait semblable à celles que l’on observe en fouille archéologique.

Épuration et compactage du métal

La loupe de fer ressemble à une éponge de métal, elle doit être épurée et compactée avant de mettre en forme l’objet final, car elle contient de nombreuses inclusions. Pour éliminer ces impuretés, le métal est vivement chauffé et martelé. Cela chasse les inclusions, referme les porosités et les soude sur elles-mêmes. Lorsque le métal devient trop fin, on le replie et le soude sur lui-même. Cette loupe contient de l’acier dur et de l’acier doux. Les replis effectués lors de l’épuration du métal permettent de créer un fibrage, une sorte de millefeuille alternant les deux types d’acier.
L’étape suivante est appelée compactage, elle permet de donner une forme plus standard au métal avant la mise en forme de l’objet. Le compactage a pour effet d’étirer les zones fortement carburées ce qui accentue le fibrage au sein du métal.

La cire perdue

La technique de la cire perdue permet de réaliser des moulages en relief avec un rendu très fin, mais les moules sont à usage unique.

La technique de la cire perdue permet de réaliser des moulages en relief avec un rendu très fin, mais les moules sont à usage unique. La première étape consiste à modeler une pièce en cire d’abeille. Une fois réalisé on ajoute à cette pièce un «cône de coulée», sorte d’entonnoir par lequel on versera le métal en fusion. En fonction de la forme de la pièce, on peut éventuellement ajouter des évents, qui serviront à évacuer l’air qui pourrait rester piégé dans le moule.

Une fois la cire préparée, elle est recouverte d’une première couche d’argile très fine qui permet de mouler les petits détails. La seconde couche est composée d’argile et de dégraissant (sable, charbon en poudre, herbes hachées…) qui permet de limiter le retrait de l’argile. Certains dégraissants permettent également de rendre cette couche de terre poreuse, cela permet à l’air présent dans le moule de s’évacuer.

cire-perdue

Une fois l’argile sèche, le moule est chauffé, la cire fond et s’écoule par le cône de coulée. Pendant cette étape, une partie de la cire vient imbiber l’argile, il faut alors chauffer le moule de longues heures afin de brûler toute la cire. Dans le cas contraire, le métal en fusion fera s’évaporer cette cire et créera des bulles d’air dans la pièce.

Enfin, le moule est chauffé pour éviter les chocs thermiques au moment de la coulée. Le mélange de cuivre et d’étain est fondu dans un creuset placé dans un four fonctionnant au charbon de bois. Au-delà de 1000°C, le métal fond, il est alors versé dans le moule. Le bronze occupe l’espace laissé vacant par la cire. Une fois refroidi, le moule est cassé pour libérer la pièce en bronze. La dernière étape consiste à retirer le cône de coulée et éventuellement les évents. La pièce peut alors être ciselée pour ajouter des détails.

 

Démonstration de fonte de bronze au Musée des Maisons Comtoises

Le 21 aout 2016 a eu lieu une série de démonstrations au Musée des Maisons Comtoises de Nancray

Le 21 aout 2016 a eu lieu une série de démonstrations au Musée des Maisons Comtoises de Nancray. Le public a pu découvrir les techniques de fonte à la cire perdue et au moule bivalve.

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Le damas

Un article détaillé sur la technique du damas

Le damas est un acier constitué de multiples couches d’acier doux (pauvre en carbone) et d’acier dur (riche en carbone). Cela permet d’allier les avantages de ces deux types d’acier. L’acier dur est très résistant, mais plutôt cassant. Au contraire, l’acier doux est mou, mais plus souple. L’alternance de ces deux types de métal permet de créer des lames au tranchant très dur, mais également capable d’absorber des chocs sans se briser.

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Superposition d’acier doux et d’acier dur observé en métallographie. Cliché : M. Berranger (LMC – UMR 5060 – CNRS – IRAMAT)

Pour créer un acier damassé, il faut souder à la forge deux pièces d’acier contenant des taux de carbone différents. Le métal est ensuite étiré et replié sur lui même. La répétition de cette opération multiplie par deux le nombre de couches à chaque repli.

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Pour effectuer un repli, il faut tout d’abord créer une encoche au milieu de la pièce ce qui facilite le repli.

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La soudure à la forge est réalisée en mettant en contact deux surfaces métalliques, en les chauffant à une température proche de leurs points de fusion et en les martelant pour permettre l’agglomération des surfaces. Or le foyer de forge a pour caractéristique d’être ouvert et donc globalement oxydant. Il en résulte la création à la surface des pièces d’une pellicule d’oxyde qui empêche la soudure. Il est donc nécessaire de décaper cet oxyde pour permettre la soudure. Il existe aujourd’hui des produits comme le borax qui liquéfie l’oxyde et empêche sa reformation permettant ainsi de travailler sur des plages de températures beaucoup plus grandes. Celui-ci était bien entendu inconnu pendant les périodes anciennes, mais il est possible d’opter pour des méthodes plus traditionnelles. La pièce chaude est tout d’abord maintenue à environ 1 cm de la table de l’enclume sur laquelle on a versé de l’eau, les coups de marteau viennent la plaquer brièvement sur la surface mouillée, ce qui entraîne un choc thermique qui fait sauter l’oxyde. La finition est effectuée immédiatement après à l’aide d’une brosse métallique

Le repli consiste à plier la pièce sur elle même pour mettre en contact les surfaces. Cette opération doit impérativement être effectuée dans les plus brefs délais pour deux raisons. Tout d’abord les surfaces décapées sont en contact avec l’air tant que la pièce n’est pas repliée et continue à s’oxyder, moins vite que dans le foyer, mais dans des proportions non négligeables. Mais le principal enjeu est la qualité de la réalisation du repli, en effet la pièce doit subir encore une chaude avant d’être soudée et si les surfaces ne sont pas parfaitement plaquées l’une sur l’autre l’air s’engouffre entre elles et l’oxydation reprend. Or pour bien plaquer les surfaces, il faut que la pièce soit encore à une température où le métal est suffisamment plastique, aux alentours de 800 °C. Cette température en fin d’opération dépend de la vitesse d’exécution du repli.

Avant d’effectuer la dernière chaude avant la soudure, qui a la caractéristique d’être particulièrement oxydante, on peut utiliser la technique des ajouts siliceux. Elle consiste à saupoudrer la surface de la pièce de matière qui va fondre et protéger le métal de l’oxygénation à chaud. Cela entraîne également la formation de caillots autour des surfaces décapées, ce qui empêche l’air de pénétrer aux endroits où les surfaces ne sont pas parfaitement plaquées. En fonction de la matière utilisée, les ajouts peuvent plus ou moins liquéfier l’oxyde, mais jamais dans des proportions comparables au borax. Pour cette raison il n’est pas pertinent de placer ces ajouts sur les surfaces décapées, car elles nuisent plus qu’elles ne favorisent la soudure. Il est possible utilisé du sable de Fontainebleau qui est pratiquement composé de silice pure.

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La soudure nécessite la réalisation d’une chaude très intense, pratiquement au point de fusion du métal, entre 1530 °C pour le fer pur et 1150 °C pour l’acier. Ce dernier est très exposé à la corrosion et à la brûlure quand il atteint de telles températures, d’autant plus que l’on doit introduire de grandes quantités d’oxygène dans le foyer pour activer la combustion du charbon. Cette opération nécessite donc une attention constante. Une fois amené à température voulue, le blanc soudant, la pièce est placée sur l’enclume et martelée de façon très rapide et peu appuyée ce qui a pour effet d’expulser les impuretés encore présentes sur les surfaces décapées et d’amorcer la soudure, le martelage se fait ensuite plus lent et plus fort pour assurer la soudure. Il est parfois nécessaire de répéter l’opération pour effectuer la soudure correctement.

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Une fois la soudure réalisée la pièce est étirée à la masse avant de répéter l’ensemble de ces opérations.

Il est également possible de torsader la pièce pour réaliser des motifs particuliers.

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La vidéo qui suit rassemble l’ensemble des opérations décrites plus haut.

Le bas fourneau

usqu’au moyen âge, et parfois bien au-delà selon les régions, le fer était produit grâce au bas fourneau. Les formes peuvent varier en fonction des lieux et des époques, mais le principe de base reste le même.

 

Impression
Vue en coupe d’un bas fourneau

Jusqu’au moyen âge, et parfois bien au-delà selon les régions, le fer était produit grâce au bas fourneau. Les formes peuvent varier en fonction des lieux et des époques, mais le principe de base reste le même. Il s’agit d’une cuve en argile munie d’un ou plusieurs conduits à sa base servant à injecter de l’air. Une fois le foyer allumé, la cuve était remplie de charbon. La combustion ayant lieu dans le fond de la cuve, le niveau de charbon réduit progressivement. Les métallurgistes rechargeaient régulièrement le fourneau en ajoutant de manière périodique du minerai de fer. Ce dernier descendait progressivement au fond du bas fourneau pour finir transformé en métal. Le fer était ensuite récupéré grâce à une porte ménagée à la base de la structure ou en détruisant le bas fourneau.

 

 
Contrairement au haut-fourneau moderne dont les températures élevées permettent de liquéfier le métal, le bas fourneau réduit le minerai de fer à l’état solide. De ce fait, le métal obtenu comporte de nombreuses inclusions d’argile ou encore de charbon. De plus sa teneur en carbone est très hétérogène. C’est ce que l’on appelle une loupe de fer.
Il est impossible de forger un objet fini directement à partir de cette loupe de fer, il faut donc au préalable épurer le métal. Pour ce faire, la loupe est chauffée à la forge à une température très proche du point de fusion du métal. Elle est ensuite martelée, ce qui expulse les impuretés et soude le métal sur lui même. Le métal peut également être étiré, replié sur lui-même et soudé pour homogénéiser le taux de carbone. Cela engendre une structure métallique proche de celle du damas.