Walter Heinzmann (1929 - 2001)
Hotte de transport


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Antonietti Thomas, 2003 :

La hotte – en dialecte haut-valaisan Tschifera ou Choorb, en patois bas-valaisan corba ou dzerlo – désigne cet objet typique de forme conique s’élargissant vers le haut et servant au transport à dos d’homme. Le fond et les montants verticaux sont en bois, les rubans horizontaux sont en matière synthétique noire. Les deux lanières en cuir formant les bretelles sont fixées à l’aide de cordelettes. Ces hottes servaient avant tout dans les régions de montagne comme moyen de transport à usage multiple. Autrefois on en utilisait aussi en plaine. Elles étaient de tailles différentes et le tissage horizontal était plus ou moins serré selon la marchandise transportée. Les hottes pour les objets domestiques et les ustensiles étaient plus finement ouvragées et plus grandes que les hottes à fumier. Il faut replacer la hotte dans le contexte plus vaste de la topographie alpine escarpée et du système agricole qui en découle. Homme et bétail doivent se déplacer au rythme des saisons du village aux mayens et à l’alpage. La transhumance a été pendant des siècles la forme d’existence dominante d’une grande partie des habitants des régions alpines. L’économie mixte valaisanne s’étageant entre six cents et plus de deux mille mètres d’altitude a entraîné des efforts de déplacement et de transport immenses. Tout devait être acheminé: le fumier de l’étable sur les champs, les vivres du village aux mayens, les pommes de terre du jardin à la cave, la litière de la forêt à l’étable, l’herbe des prés à la grange. Le temps du trajet était souvent plus long que le travail effectif. Un objet, tel que la hotte, revêtait donc une importance capitale dans une économie alpine où transporter était primordial. C’est pourquoi la hotte apparaît de manière emblématique dans le folklore du Valais moderne. La hotte qui est présentée ici fut confectionnée par Walter Heinzmann (1929–2001) à Visperterminen et elle fut également utilisée dans ce village. Heinzmann a travaillé pendant trente-cinq ans à l’usine de produits chimiques Lonza SA à Viège, cité industrielle située dans la vallée du Rhône. Il effectuait chaque jour le trajet depuis son village. En 1988 il fut mis au bénéfice d’une retraite anticipée pour raison de santé. Les hottes fabriquées par Heinzmann présentent la particularité d’être confectionnées en partie avec des déchets industriels. Les rubans qui forment le tissage autour des montants en bois ne sont pas en noisetier ou en coudrier, comme c’est le cas en général, mais des bandes de matière synthétique qui servaient à attacher des marchandises livrées sur palettes. Les bretelles sont des courroies de transmission usagées. Heinzmann regrettait que bandes et courroies soient jetées par la fabrique. C’est pourquoi l’ouvrier-paysan a rassemblé des années durant ces déchets, les a rangés pour finalement les réutiliser pour sa propre production. Selon ses dires, ses hottes étaient bien plus solides que les traditionnelles en osier ou noisetier. Il les vendait dans son village où elles étaient très appréciées. Cette hotte devient un objet muséal, dépassant ainsi sa vocation purement utilitaire de moyen de transport agricole. Elle est à la fois le témoin d’une grande vertu paysanne qui est l’économie et du phénomène nouveau du recyclage. Elle symbolise à sa manière, la matière industrielle devenant ustensile agricole traditionnel, le statut de l’ouvrier-paysan valaisan de l’après-guerre. "Hotte pour le transport”, in: Morand Marie Claude (dir.), Musée cantonal d'histoire Sion. Guide des collections, Sion: Editions des Musées cantonaux du Valais, 2003, pp. 280-282.