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Le rémouleur dans la crèche
Publié le 17 Juin 2021
Cher(e)s ami(e)s,
Je poursuis la liste des santons emblématiques de la crèche avec le rémouleur, l' amoulaïré en provençal, il s'agit d'un artisan ambulant qui aiguise les instruments tranchants.
Un rappel historique concernant ce personnage avant d'évoquer sa place dans la crèche provençale.
L'origine de ce santon est controversée, F.H. Michel dans le journal intitulé "le Temps" paru le 25 décembre 1911 affirme que nous devons à Léon Simon la création de "l'amoulaïré avec son attirail si pittoresque et si compliqué".
Charles Martin dans son ouvrage Nativité-santons crèches parlantes et mécanisées en Provence paru en 1912 cite cette source sans autre précision.
Illustration de D. Dellepiane, extrait de l'article du journal "le Temps" paru le 25 décembre 1911
Pour André François dans "Santoun" paru en 1976 le rémouleur aurait été "intégré à la crèche vers 1820 par Simon ou par Guichard, il se nomme souvent Laïau".
On remarque au passage que les prénoms ne sont pas précisés, or il y a Antoine Simon père et Léon son fils ainsi, lorsque cet auteur mentionne "Simon" on suppose qu'il parle de Léon Simon fils puisqu'il cite aussi Guichard qui a vécu à la même époque.
On retrouve également une approximation au niveau de la date invoquée par André François puisque aucun de ces deux santonniers n'étaient nés en 1820, Léon Simon est né en 1845 et Joseph Guichard en 1850.
Notons également qu'Elzéard Rougier dans la petite Histoire des santons paru en 1909 cite l'amoulaire pour les créations d'Antoine Simon, Mion son épouse "ne manquait pas d'aller rendre visite sa visite quotidienne aux drôlatiques Ravi, aux amoulaires en goguette...". Cette évocation concorderait avec la date évoquée par André François mais E. Rougier avait hélas tendance à inventer des détails pour rendre ses écrits plus vivants donc il est difficile de lui attribuer avec certitude la paternité de ce santon.
A gauche Léon Simon (collection particulière), à droite Léon Gaubert (Château Gombert)
Le chroniqueur santonnier de l'époque Elzéard Rougier à propos du rémouleur de Léon Simon a écrit: "je donnerais le prix, si j'avais à le faire au rémouleur... rien ne manque à son attirail, notre bonhomme est à l'ouvrage, et avec quel entrain pittoresque et engageant! Pour un peu, il vous demanderait si vous n'avez rien à faire aiguiser? C'est d'un fini qui amuse en même temps qu'il ravit..."."La petite Histoire des santons" Elzéard Rougier 1909.
Illustration extraite de l'histoire du santon Marcel Provence 1937
La place du rémouleur dans la crèche provençale : à quoi sert-il ? Pourquoi sa présence est-elle intéressante dans la crèche ?
Le rémouleur se déplace de village en village, de mas en mas proposer ses services, il parcoure les chemins en traînant sa meule ou en la transportant sur son dos. Dans la crèche, il fait partie de la catégorie des "gagne-petit".
Léon Gaubert (salon des santonniers d'Arles) Pellegrini (collection particulière)
Personnage joyeux, le rémouleur surnommé Laïan ou Pimpara dans la Pastorale Maurel joue un rôle social très important, c'est lui qui colporte les nouvelles de ceux qui habitent de l'autre côté de la colline, il est aussi surnommé la "gazette". Certes, il a parfois tendance à enjoliver les histoires apprises de village en village mais nul ne songe à lui en tenir rigueur.
Joseph Asperty (collection personnelle)
Selon lui, parler donne soif et comme il gagne peu chacun lui offre un "chicoulon" (petit verre) ce qui bien évidemment à tendance à accentuer sa gaieté naturelle, par ailleurs il estime que le vin lui donne du cœur à l’ouvrage.
Evelyne Ricord
Le rémouleur est représenté debout devant sa meule. Il porte un chapeau en feutre noir à bord large pour se protéger du soleil. Un épais tablier de cuir protège ses vêtements. Il tient à la main un couteau qu'il s'apprête à aiguiser. Il a sa meule à côté de lui avec un petit réservoir d'eau pour la lubrifier toutefois, dans la Pastorale Maurel, il est précisé que c’est en fait du vin…
A gauche santon attribué à Léon Simon (Château Gombert), à droite Madeleine Guinde, terre crue (Château Gombert)
Ce qui est intéressant est qu’au fond de lui, il souhaite que la naissance du Messie l’aide à sortir de l’alcoolisme, il espère donc un miracle c'est ce que l'on découvre dans la pastorale Maurel.
A gauche Carbonel (collection personnelle), à droite Patrick et Josiane Giordano (collection personnelle)
Dans la pastorale Maurel, le rémouleur ne vient pas à Bethléem pour apporter une offrande ou pour prier, il est là surtout pour relater de village en village à l’instar des bergers, la naissance de l'enfant Jésus. Donc, dans la pièce il est en quelque sorte chargé d’amplifier l’information des bergers.
Exposition Thérèse Neveu à Aubagne
Si les personnages de la Pastorale Maurel ont laissé cette forte empreinte dans l’imaginaire populaire c’est parce qu’ils ont été relayés par des récits et des films à forte audience contribuant ainsi à la pérennisation de leur présence dans la crèche.
Elle a en effet, largement irrigué la littérature et le cinéma du milieu du XXème siècle qui a leur tour ont permis de la faire connaître plus encore et de l’enraciner dans la tradition calendale, une sorte de cercle vertueux. Toutefois, au fur et à mesure de cette réappropriation, les personnages des récits et films ont évolué évidemment.
Gayraud d'Agnel (collection personnelle)
Ainsi Pimpara le rémouleur de la Pastorale Maurel peut être rapproché de Gédémus le rémouleur du roman « Regain » de Giono porté à l’écran en 1937 par Marcel Pagnol.
Gédémus parcoure la campagne pour affuter de village en village les ustensiles tranchants, il fait pousser sa charrette par sa compagne Arsule qu’il maltraite malgré la docilité de cette dernière.
Autant Pimpara est un personnage agréable, autant Gédémus est détestable néanmoins, l’empreinte de la Pastorale est là.
Santons Marius Chave (le petit monde de Marcel Pagnol)
Globalement, on peut dire que la place du rémouleur et de sa charrette dans la crèche est donc importante si l’on veut respecter l’esprit de la Pastorale Maurel, donnant ainsi aux confectionneurs de crèche, la possibilité de créer de beaux décors qui vont imiter la garrigue, les oliviers sauvages, les chemins caillouteux.
A gauche, René Pesante (collection particulière), à droite Madeleine Guinde (collection particulière)
Toute une histoire peut se construire autour et le décor sera un faire valoir important pour prouver plus encore s’il le fallait, la typicité de la crèche provençale.
A gauche auteur Michel Vincent (collection particulière), à droite Fabienne Pardi (concours MOF)
Voici une série de rémouleurs réalisés par des santonniers contemporains.
La dernière série consacrée à des santonniers plus "anciens".
Avant de finir, je souhaite la bienvenue aux derniers abonnés à mon blog.
Merci aux lecteurs qui prennent le temps de laisser un commentaire.