Doux, humide, confortable voire même cocooning ou du tout moins accueillant. Voilà ce que l'on imagine communément à propos de l'intérieur d'un orifice tel que le vagin, pour ne citer que lui. Mais comment savoir ce que les personnes qui pénètrent, avec un pénis, un doigt ou autre objet dédié, ressentent réellement ? En leur posant la question pardi.

Nous avons donc demandé à des personnes hétérosexuelles et homosexuelles de nous parler pénétration, en se plongeant à corps perdus dans leur ressenti pendant l’acte. Évidemment leurs réponses, aussi diverses soient-elles, ne font pas office de référence : chacun et chacune vit et ressent des choses différentes.

Toutefois, cette invitation au voyage le plus intime qui soit, permet d’entrer dans un monde nouveau fait de révélations, de confidences, et de découvertes. Ceux et celles qui ont courageusement relevé le défi de répondre sans tabou ni faux semblant à cette question nous ont parfois ravi de minutieuses descriptions dignes de l'orfèvrerie érotique, tandis que d’autres ont préféré l'exposé métaphysique.

Et si certains étaient d'emblée émoustillés, d'autres un peu interloqués par le sujet ont finalement été convaincus par la portée d’une telle enquête.

Une texture douce comme de la soie

Commençons d’abord par la texture, le ressenti au toucher. Les premiers mots qui reviennent à l’esprit à la plupart de nos interrogé.es sont “chaleur, douceur, humidité”. Pas trop de surprise. Certains vont jusqu’à comparer la sensation à de la soie, d’autres à du velours. Evidemment, tout dépend de chaque personne pénétrée.

Vidéo du jour

"Il y a autant de sensations que de femmes. La sécheresse, la gourmandise, l'envie... Les sept péchés capitaux", s’amuse par exemple Edouard, 41 ans, hétérosexuel. Une idée que partage Emmanuel, 52 ans : "J'arrive souvent à deviner un peu le sexe d'une femme à sa personnalité : timide, élégant, animal, brutal, coquin... Son sexe fait partie de ce que j'aime en elle, comme sa taille, ses hanches, ses seins, sa peau".

Une position que partage Pauline*, 32 ans, qui a fait son coming-out en 2013 après avoir passé des années à sortir (et coucher) avec des garçons. "Que je la pénètre avec mes doigts ou un “dildo”, la pénétration c’est finalement l’aboutissement du désir que j’ai pour ma partenaire dans son entièreté. Il y a autant de vagins qu’il y a de femmes et bien que je n’ai pas eu des dizaines de partenaires, chaque pénétration a provoqué chez moi une émotion différente, au-delà des sensations assez communes de chaleur, d’humidité, etc", explique la jeune femme.

Même chose pour Daniel*, 28 ans, homosexuel : “Il y a généralement une sensation d'humidité, de chaleur et douceur. Néanmoins cela change beaucoup d'un partenaire à l'autre, c’est biologique on n’a pas les mêmes corps.” concède-t-il.

À l’inverse pour Robin, 30 ans, homosexuel, les sensations sont plus ou moins similaires. "Un trou est un trou dit-on, non ?", plaisante-t-il, précisant que son ressenti, lors qu’il pénètre son partenaire, relève plus du mental que du sensoriel. "Honnêtement, je ressens souvent moins de sensations avec mon sexe qu'avec ma main mais c'est une excitation de partage plus psychologique. Le frottement est agréable, je ressens une légère sensation de succion mais cela ne vaut pas une bonne fellation !", avoue le trentenaire

Julien, 34 ans, n’arrive pas à détacher la sensation du toucher de la globalité. "Il y a aussi les parfums, les odeurs. C'est difficile d'isoler la sensation de pénétration de tout ce qui l'entoure. C'est global, explique-t-il avant d’ajouter que le préservatif change aussi beaucoup la donne, quand il s’agit de se concentrer sur le ressenti". Pour Bernard, 28 ans, "c'est fluide, enveloppant", alors que pour Pascal, c’est plutôt "absorbant" et "ça vibre". "La pression, la chaleur, la manière dont elle joue avec... C'est ce qui fait toute la différence. Caressant ou pas, coulissant ou pas. Plus ou moins humide : trop, ce n'est pas confortable, tu ne sens plus rien", ajoute-t-il.

Pour moi, ça sent la mer : l'élément originel

La pénétration, comme une plongée

Ils et elles sont intarissables sur les variations, les nuances, les subtilités qui font qu'aucune pénétration ne ressemble à une autre. Sauf que deux images reviennent systématiquement dans leurs premières impressions: celle du monde clos, hyper-sécurisant, qui renvoie certains au ventre maternel ; et d’autres, à l'univers marin.

Julien par exemple, sépare le ressenti durant la sodomie et la pénétration vaginale. "Contrairement à la sodomie, où on a l’impression de toujours pouvoir aller plus loin, au fond d'un vagin, on a la sensation d'être dans une gaine", explique-t-il.

Emmanuel, quant à lui, fait partie de ceux pour qui le sexe féminin a trait à la mer. "Ce n'est pas une grotte... Plutôt un cocon humide qui m’évoque le coquillage. Pour moi, ça sent la mer : l'élément originel", décrit-il. Et d'ajouter, "pour moi, l'odeur d'un vagin c’est super rassurant, presque émouvant".

Pascal, quant à lui, a l’impression de faire une plongée en apnée. "Tu prends une bouffée d'air avant, et tu y vas. Tu entres dans un univers liquide qui t'aspire, comme un aimant. Elle, elle s'ouvre un peu comme un lotus, et là tu expires. C'est un univers familier, une sensation tellement naturelle, peut-être parce qu'un jour, lointain, on est déjà passé par là", raconte-t-il. 

Tout est dans la contraction

Peut-on alors différencier une bonne et une mauvaise pénétration ? Quelle est la sensation qui fait l’unanimité ? Celle de se sentir à l’étroit ou d’avoir l’impression de ne faire qu’un ? Difficile là encore de trouver une réponse qui puisse satisfaire tout le monde.

Edouard par exemple, aime la contraction. "Tout est dans la contraction, le rythme qui crée une caresse tout le long du sexe. Comme dans la masturbation. On découvre la sexualité avec nos mains, c'est un jeu de pression", explique-t-il, avant de vendre les mérites d’un vagin tonique. "Ce n'est pas une question d'âge mais de bonne volonté. Il y a des exercices tout simples pour muscler le vagin. L'idée c'est d'être dans un vagin actif, vivant, qui ne subit pas", dérive-t-il...

À l’inverse, pour Robin, trop de contraction peut s’avérer douloureux. "La sensation d'étroitesse peut faire mal au pénis au début, comme une main bien serré, une constriction. Alors que quand c'est plus large, on a plus une sensation de succion. On peut jouer à entrer et sortir très facilement, ce qui est aussi très excitant !", commente-t-il.

Charles, quant à lui, est sans appel : une bonne (ou une mauvaise) pénétration est avant tout déterminé par de bons (ou de mauvais) préliminaires mais aussi par le comportement de son partenaire. “En tant qu'actif, je dirais qu'une mauvaise pénétration se caractérise par le manque d'implication du partenaire durant l'acte (bonjour à toi étoile de mer!). Ou à l'inverse la personne qui décide de s'exciter tout seul sans écouter le corps de son partenaire. Je pense en effet qu'une "bonne" pénétration est avant tout une bonne harmonie des corps avant d'être une question technique ou performative stricto sensu." 

Bernard, quant à lui, n’est pas très regardant sur l’étroitesse. En fait, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est le lâcher-prise, et autant le sien que celui de sa partenaire. "Aimer sa partenaire c'est un plus. L'abandon et la perte de soi peuvent parfois aller plus loin", confie-t-il. Même son de cloche pour Paul, 37 ans, qui va même jusqu’à parler de pleine conscience sexuelle : "quelle que soit ta partenaire et la qualité du rapport, c'est surtout tes propres sensations que tu perçois. Jamais tu n'es si proche et si à l'écoute de toi-même".

Emmanuel, enfin, ne lâche plus sa métaphore filée de la mer. “J’aime sentir l'humidité qui monte, comme une vague. Plus généralement, j’aime de plus en plus le sexe féminin. Un partenaire faussement silencieux, jamais soumis. Il s'ouvre, se ferme : c'est lui qui fait tout…”, témoigne-t-il.

Le moment de vérité

On aurait pu se contenter de ce tableau impressionniste. Mais nos témoins ont été plus que généreux. Pris au jeu, toutes barrières tombées, aucun n'a rechigné à entrer dans les détails. Et à préciser les sensations de cette lente montée vers l'extase. Est-ce à la première entrée, la seconde ou quand la pénétration amène à l’orgasme ?

On entre alors dans le vif du sujet. La encore, pas de regard unique sur la question : certains voient en la pénétration, un véritable aboutissement, d’autres comme un geste presque sacrificiel. Pour notre lot d’hommes hétérosexuels, le regard est presque suranné. Edouard parle d’un "truc sacrificiel" de la part de sa partenaire. Pour Pascal et Paul, c’est même l’aboutissement d’une partie de jeu coquin. "La pénétration, c'est un aboutissement. En termes de chasse, c'est le coup de fusil, compare ainsi Pascal. Pour en arriver là tu as pataugé des heures dans la forêt. Et enfin, ce n'est plus elle qui te balade, c'est toi qui décides. Avec une nouvelle partenaire, c'est une jubilation. Une fierté. La femme te fait confiance, elle s'offre. Tu deviens machiste même si tu n'es pas macho".

"Qu'on soit dans la séduction ou avec une femme qu'on connaît depuis quinze ans, c'est toujours l'aboutissement, renchérit alors Paul. Le moment intense où on passe à la fusion, à l'alchimie. L'essentiel pour moi, c'est de retarder le plus possible cet instant. Ce que j'adore c'est entrer et sortir juste le bout de mon sexe. Rester à l'orée, d'elle et de moi. Un jeu très jouissif", ajoute alors cet adepte des préliminaires. Ce regard sur son propre pénis qui pénètre, Emmanuel l’a aussi. "J'adore regarder mon sexe qui entre en elle, c'est toujours aussi magique pour moi. Ce pont entre nous. Comme si mon sexe devenait extérieur à moi, un être à part entière".

En revanche, pour Robin, la pénétration n’est qu’un jeu sexuel parmi tant d’autres qu’il n’idéalise pas plus qu’il ne le diabolise. "Je suis très excité par le fait de pénétrer mais cela peut consister tout simplement à doigter mon partenaire pendant que je me masturbe. L’excitation me vient du fait de voir le plaisir sur le visage de mon partenaire, son désir. Dans ce contexte, la pénétration anale n’est qu’un des nombreuses options possibles pour y aboutir", raconte-t-il, précisant être un grand adepte du sexe soft, c’est-à-dire sans pénétration génitale.

Un discours qui fait écho à celui de Pauline, qui explique que la pénétration ne détermine en aucun cas l’effectivité d’une relation sexuelle entre deux femmes. "Cela "compte" autant qu’un cunnilingus, des frottements ou autres “moves” sexuels que les hétéros vont réduire à de simples préliminaires", explique-t-elle. "Pour moi, l’important c’est de donner du plaisir à ma partenaire (et d’en recevoir aussi!)."

"Non la pénétration n'est pas du tout un passage obligé de l'acte sexuel. Pour moi le meilleur moment est l'acte en soit lorsque que les corps s'étreignent et l'excitation s'accentue peu à peu", ajoute également Charles. 

J'adore regarder mon sexe qui entre en elle, c'est toujours aussi magique pour moi.

Pendant la pénétration, le plaisir n’est pas garanti

La pénétration, c'est comme une danse où chacun, tour à tour, invente le rythme. Place au dialogue, à l'échange, au partage. Mais tous nos volontaires sont-ils au fait que la pénétration s’assure ni plaisir garanti et encore moins orgasme ?

Parfois en communion, d’autres fois plongé dans l’ennui, Bernard a un regard plutôt ouvert sur la question. "Il m'est déjà arrivé de bâiller, et même une fois de m'endormir. Ce n'est pas juste un truc mécanique, être dans une femme. Le plaisir n'est pas garanti. Tout dépend de la manière dont les corps s'entrechoquent et de ce qui se passe dans l'esprit...", témoigne-t-il.

Pour Édouard, cela se passe avant tout dans la tête. "Moi je suis un cérébral. Dans ma tête, c'est toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Tu mesures l'envie, la correspondance. Tout le reste c'est un jeu de contractions. Parfois on se sent comme aspiré. C'est délicieux. C'est un langage muet, un accès direct à l'âme", confie-t-il.

Julien est moins pensif et plus dans le partage. "Quelle douceur d'être dedans! Ce n'est pas seulement moi qui la pénètre mais elle qui m'accueille, me veut en elle, me prend... Mon plaisir est très lié à l'envie qu'elle a de moi", commence-t-il. S’il ne devait choisir qu’une sensation, ce serait lorsque le gland vient cogner contre le col de l'utérus. "Surtout à certaines phases du cycle, quand il est ouvert. J'ai l'impression alors que le col m'aspire et que je pourrais aller très, très loin…", précise-t-il. Avant d’ajouter, "j'ai plus de sensations lorsque les mouvements sont lents. Quand la fille demande un va-et-vient plus violent, le plaisir est plus psychologique. C'est sa façon de s'abandonner qui comble. Quand je la sens trembler, frissonner, miauler, crier, j'ai toutes les sensations décuplées".

Plus il vieillit, plus Emmanuel voit changer son rapport à la pénétration. "Désormais, j'adore rester, sans forcément aller et venir en elle. Il m'est même arrivé de ne plus savoir qui était en qui. J'ai parfois l'impression d'être totalement passif", raconte-t-il. Pascal a d’autres petits plaisirs : "j’adore poser ma main sur son ventre quand je suis en elle, pour sentir mon pénis en elle."

L'orgasme de l'autre, vous le sentez ?

Et l'orgasme de leurs partenaires, alors ? Les pénétrants les sentent-ils ? Pas toujours déplorent la plupart. Parfois la vibration est trop fugace, d’autres fois, ils connaissent si bien leur partenaire que l’orgasme peut arriver à l’unisson.

"Avec ma fiancée, je repère le moment où elle va jouir, et je peux, en me calant sur ses contractions, jouir à l'unisson. Ces moments-là, c'est de la téléportation", confie ainsi Sébastien. Pascal ajoute que "dans le ventre d'une femme, je détecte tout : l'ennui, la simulation, l'orgasme. Il y a une contraction que j'ai appris à repérer : de légers spasmes, hors contrôle. Ça, c'est la jouissance". Julien se souvient d'une femme fontaine : "j'adorais la sentir couler sur moi. J'adore la sensation du mouillé. J'adorais cet abandon, que ça procurait".

Quant à Robin, ses connaissances anatomiques aiguisées lui permettent de faire de l’orgasme de son partenaire un moment de plaisir partagé. "Lorsque l’autre approche de l’orgasme, le sphincter se serre, le corps se tend, on ressent une pression supplémentaire sur la verge qui accentue et facilite notre propre orgasme", explique-t-il. "Quand je suis passif, j’aime jouer avec cette contraction du sphincter et les positions pour varier les sensations de constriction et succions", ajoute-t-il. Un discours que l’on retrouve de façon un brin plus laconique chez Charles. "Oui je ressens mon partenaire lorsqu'il a un orgasme, le corps se contracte, la respiration est saccadée, les gémissements diffèrent, cela renforce mon excitation menant souvent à mon orgasme."

Pour Pauline, coucher avec une femme en étant elle-même de sexe féminin présente des avantages formidables. "J’ai passé des années à coucher avec des hommes qui, grosso modo, n’y connaissaient, n’y comprenaient rien et s’en fichaient pas mal. Ça peut paraître cliché mais oui, quand je couche avec une femme, je couche avec une personne qui connaît mon anatomie, ses sensibilités, ses complexités et inversement", précise-t-elle.

J’ai passé des années à coucher avec des hommes qui, grosso modo, n’y connaissaient rien

Pas envie d’en sortir...

Tous nos volontaires pourraient continuer à parler comme ça pendant des heures. Mais il faut bien mettre un point final à cette discussion, ainsi qu’à la pénétration. Même si certains de nos témoins avouent qu’ils aiment bien rester dedans. Et savourer, dans une semi-conscience, le calme après la tempête.

Julien a rarement envie "de sortir". "Ce qui est jouissif avec celle qu'on aime, c'est jouir en elle, rester et s'endormir. L'un dans l'autre", confie-t-il. Emmanuel est un aficionado : "ma nouvelle fiancée, j'ai envie d'être en elle tout le temps. De dormir ainsi. Malheureusement, en se retournant, on finit toujours par se séparer".

Même chose pour Robin qui avoue aimer rester quelques instants "à l’intérieur" de son partenaire : "communier ensemble, se regarder, se câliner, prolonger ce moment tendre plutôt que de courir se rincer". "Je n'ai pas de politique ferme sur le retrait en tant qu'actif. En tant que passif, j'aime bien que mon partenaire reste jusqu'à j'atteigne mon orgasme", nuance Charles

Et à Paul de conclure, que la fin est peut-être son moment préféré. "Avec moi, ce sont toujours les femmes qui finalement se séparent. Surtout ne plus bouger, fermer les yeux, ne pas parler. L'animalité est là, dans ce moment de plénitude, de calme, après le jeu, la fièvre, éventuellement le combat. Plus rien n'existe autour. Peut-être même plus l'autre, qui devient une part de toi. C'est un moment très égoïste, en fait, où tu profites pleinement de toi. En mode relaxation. Ça à voir avec la spiritualité, avec une sensation mystique".

Article publié initialement dans le magazine Marie Claire de Février 2010 - réédité en septembre 2019