Entre Cinéroman à Nice et une pièce très dure à Antibes et Monaco, qu’elle reprendra à Monaco, on a rencontré Sylvie Testud

Sylvie Testud, actuellement à Nice en tant que jurée du festival Cinéroman, est aussi sur scène à Antibes ce vendredi, et bientôt à Monaco, avec « Tout le monde savait ». Une pièce inspirée du calvaire de Valérie Bacot, qui tua son mari en 2016 après des années de violences endurées.

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Ludovic Mercier Publié le 05/10/2023 à 20:40, mis à jour le 05/10/2023 à 20:40
Sylvie Testud, actuellement à Nice en tant que jurée du festival Cinéroman, est aussi sur scène à Antibes ce vendredi, et bientôt à Monaco, avec « Tout le monde savait ». Une pièce inspirée du calvaire de Valérie Bacot, qui tua son mari en 2016 après des années de violences endurées. Photo L. Me.

Tout le monde savait. » Le titre, d’un livre d’abord, d’une pièce aujourd’hui, ne dit qu’une partie de l’horreur vécue par Valérie Bacot. Elle qui tua son mari, par ailleurs son ancien beau-père, en 2016, après plus de 20 ans de viols et violences subis. Des années de calvaire, et tout le monde, dans le village, savait. Sous la plume d’Élodie Wallace, cette histoire terrible racontée par Valérie Bacot dans un livre en 2021, a donc été adaptée pour la scène. Et c’est Sylvie Testud qui, seule sur les planches, lui donne corps. Un rôle qui lui a valu le Molière du seul en scène cette année, qu’elle présente à Antibes ce vendredi et samedi, avant de revenir à Monaco en janvier. Un rôle difficile dont la comédienne, touche à tout et généreuse, nous a parlé à l’occasion d’une rencontre en marge du festival Cinéroman à Nice (lire par ailleurs).

La pièce "Tout le monde savait" traite d’un sujet très difficile. Qu’est ce qui vous a donné envie de la jouer?

Le questionnement que j’ai eu quand on me l’a proposée. Je n’ai pas pu dire oui, mais je n’ai pas réussi à dire non. Et je me demandais ce qui me gênait. En fait, j’avais peur que cette cause soit trop lourde. Et j’ai réalisé que les faits divers, ce sont les histoires des gens. Mon métier à moi, c’est de transmettre une émotion. De passer de la connaissance, au ressenti. Si je ne le fais pas, alors que c’est mon métier, qui va le faire ?

Comment arrive-t-on à travailler à partir d’une telle horreur?

Il faut rester calme. Ce n’est pas à moi de tomber dans le sentiment ou les émotions. Ça, c’est le rôle du public. Quelqu’un qui est en train de se noyer ne pleure pas sur son sort. Il essaie de garder la tête hors de l’eau. C’est ce qu’a fait Valérie. Pour elle, chaque jour était un jour où ni elle ni ses enfants ne mourraient. Je me suis efforcée d’être moi aussi dans l’instant, et de ne pas me projeter. J’ai essayé de rester en vie.

Comment parvenez-vous à transmettre cette histoire? Avez-vous rencontré Valérie Bacot pour préparer ce rôle?

Non. Le texte est assez clair, il fallait que j’aie une place pour pouvoir en faire un objet. Il ne fallait pas que je me fasse émouvoir. Sur scène, j’ai deux personnages, ce qui m’aide beaucoup. Je joue Valérie Bacot, qui a beaucoup de force dans cette horreur, et un personnage de femme forte, Me Tomasini, l’avocate, qui me permet de dire des choses qui seraient impossibles à jouer. Une fois qu’on avait bien avancé, j’ai rencontré Valérie, et j’ai été bouleversée. Elle est encore plus solaire que ce que j’avais imaginé.

Comment réagit le public?

J’avais peur de n’avoir que des gens acquis à la cause, et que ça tourne au pamphlet. Mais en fait, les gens sortent en colère, contre le village, et contre la société. Notamment les hommes, qui sont aussi nombreux que les femmes dans la salle. Il y a un sentiment d’injustice car, comme le dit le titre: "Tout le monde savait". La mise en scène est top: au fur et à mesure, j’écris les noms des gens qui savent. Et le public voit cette liste. Et ça, ça rend fou.

Vous vivez presque cette histoire de l’intérieur, comment croyez-vous possible que tout le monde ait pu savoir sans rien dire?

J’avoue parfois avoir le sentiment de perdre le fil. Valérie m’a raconté qu’après le jugement, une de ses amies de l’époque lui a confié qu’elle n’avait plus le droit de venir chez elle parce que le père de cette amie était gendarme, et qu’il savait ce qui se passait... Un jour, une dame m’aborde à la sortie du spectacle et me dit : "C’est exactement ce qui s’est passé, je le sais car j’habitais le village", je suis restée sans voix. Qu’est-ce qui dysfonctionne dans cette société pour que l’on arrive à ce genre de situation? J’ai toujours plein de questions auxquelles je ne peux pas répondre.

Vous avez l’une des carrières les plus hétéroclites du spectacle français, cinéma, télé, théâtre. Est-ce une envie ou un besoin?

Je crois qu’on choisit ce métier pour sortir d’une condition: toute sa vie, on n’est qu’une seule personne, ce métier permet de s’affranchir de cela. C’est une chance. Un jour, ma sœur m’a dit: "Aujourd’hui, je ne pourrais plus être pilote de ligne". Eh bien moi, grâce à ce métier, je pourrais. Et ça, c’est une chance.


"Tout le monde savait" d’Élodie Wallace. Adaptée du livre de Valérie Bacot et Clémence de Blasi, mise en scène par Anne Bouvier. 1h15.

> Ce vendredi 6 et samedi 7 octobre à 20h30, à Anthéa à Antibes. Tarif: de 13 à 42 euros.

> Jeudi 18 janvier au Théatre Princesse Grace à Monaco. www.tpgmonaco.mc

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