Marlène Jobert et Eva Green : sorcières de mère en fille

Marlène Jobert et Eva Green : sorcières de mère en fille
Tele 7 jours

Depuis 30 ans déjà, Marlène Jobert écrit et raconte contes et histoires pour les plus petits. Sa dernière création était l’occasion d’inviter sa fille, la comédienne Eva Green, à poser sa si singulière voix. Interview croisée.

Qui a dû convaincre l’autre pour l’associer au projet ?

Malène Jobert : Quand un jour j’ai dit à Eva que j’allais interpréter ce conte qu’elle aimait beaucoup, avec 4 voix différentes de sorcières, elle m’a tout de suite proposé qu’on se les partage ! Je pensais qu’elle plaisantait mais pas du tout ! 

Eva Green : J’ai toujours admiré et envié ses incroyables capacités d’imagination et d’interprétation. Je suis attirée par les personnages excessifs, terrifiants et drôles à la fois. Ceux de maman me ravissent toujours autant que lorsque j’étais petite. Et qu’est-ce que je ne ferais pas pour elle !

Vous avez toutes les deux un goût prononcé pour le fantastique...

Malène Jobert : Je pense en effet lui avoir transmis ce goût. J’ai toujours été attirée par le fantastique dans le quotidien. Et le quotidien, si on lui insuffle du rêve et de la magie, il devient meilleur, non ?
Pas de prise de bec dans le travail ?

Eva Green : Non, pas avec maman. Elle sait ce qu’elle veut et dans son domaine elle en connaît un rayon. Elle aurait pu être un bon metteur en scène. Ce qu’elle écrit est si visuel, si vivant… A croire qu’elle a fait du cinéma dans une vie antérieure ! (Rires) 

Malène Jobert : Comme moi, Eva est perfectionniste et affectionne particulièrement l’humour. Nous nous comprenons. Ce qui est compliqué, c’est d’arriver à la coincer pour qu’elle m’accorde un peu de temps ! Elle est tellement prise par son métier… Caler une date pour l’enregistrement n’a pas été évident.

L'histoire du soir, c'était un rituel important quand vos filles étaient petites ?

Malène Jobert : Ah oui ! Et les en priver était pour elles une terrible punition. Une image me revient en mémoire : un soir, je leur avais dit que j’étais fatiguée et en panne d’inspiration. Joy, la jumelle de Eva, a alors appuyé son petit doigt sur mon front comme on appuie sur un distributeur de gourmandises : "Allez maman, je suis sûre qu’il y a une histoire là-dedans !". Je la revois encore. Et Eva d’ajouter : "s’il te plait maman, une histoire de sorcières longue, qui fait très peur et qui finit bien". A 4 ans déjà, elle aimait déjà les sorcières !

Eva Green : C’était un moment sacré. Nous pensions ma sœur et moi que de toutes les têtes des mamans du monde, sortaient des contes pour leurs enfants. Nous avons eu beaucoup de chance.

Marlène, les histoires pour enfants vous comblent toujours autant ?

Malène Jobert : Toujours, oui ! Je ne m’en lasse pas. Cette année, cela fait trente ans, déjà, que j’écris pour eux, que je cherche à leur transmettre des connaissances sans jamais oublier de les divertir. Pour les jeunes enfants, les apprentissages ne sont jamais aussi réussis que lorsqu’ils sont liés au plaisir. J’essaie donc de les faire rire, frémir ou de les émouvoir à travers un conte qui va aussi leur permettre de découvrir quelque chose : la beauté de la musique classique, par exemple, ou la culture et les coutumes des pays lointains.

Il y a souvent, dans vos histoires, un message moral ou une cause que vous avez à cœur de défendre ? 

Malène Jobert : Souvent oui. En ce moment, je cherche une idée pour dénoncer l’utilisation des pesticides qui ruinent notre santé. Je ne supporte pas de savoir que mes lecteurs et mes petits fils soient empoisonnés dès leur naissance par ces fichues substances chimiques. Je soutiens d’ailleurs un mouvement qui œuvre en faveur de leur suppression et qui s’appelle On veut tous des coquelicots. 

Vous pourriez tourner ensemble si on vous le proposait ?

Eva Green : Moi oui mais je crois que maman n’a plus très envie de revenir au cinéma. Elle prétexte qu’il faudrait que ce soit un scénario exceptionnel, que le personnage soit si amusant à interpréter qu’elle ne pourrait le refuser. Mais je crois qu’au fond elle aime trop écrire.

Malène Jobert : Même si parfois cela commence à me faire mal au dos. Quand je suis concentrée, j’ai du mal à m’arrêter.

Et voir se réaliser un film à la Harry Potter avec votre histoire, Marlène ? 

Malène Jobert  : Ah ça, cela me ferait très plaisir. Je l’imagine très bien en dessin animé. Que mes diablesses de sorcières ne sachent plus quoi inventer pour pourrir la vie des petits ! Avec ce sujet, ce ne sont pas les occasions qui manquent pour faire frémir et rire.

Eva, vous allez à nouveau tourner une mini-série, cette fois-ci sur la ruée vers l'or. Quelques mots sur le sujet ? 

C’est une coproduction anglaise et néo-zélandaise. La metteur en scène est australienne et cela se tourne à Auckland en Nouvelle Zélande ! Un pays aux paysages magnifiques que je rêve de découvrir depuis très longtemps.

Marlène, lui donnez vous des conseils pour son métier ? 

Malène Jobert  : Quand elle me le demande, oui. Et même quand elle ne me le demande pas d’ailleurs ! (Rires). Elle les suit parfois, mais pas toujours. C’est avec son agent anglais qu’elle fait ses choix de films.

Eva, vous avez brillé dans Penny Dreadful. Vous avez même reçu un prix d’interprétation en Angleterre. Ce sont les personnages qui vous guident dans vos choix ?

Eva Green : Pas uniquement. Les sujets et les metteurs en scène sont déterminants aussi. Je me demande ensuite si le personnage est intéressant à interpréter et si je vais en être capable. Là, maman meurt d’envie de rajouter : et surtout n’oublie pas, il faut que ce rôle t’apporte avant tout du plaisir ! (Rires). Elle insiste beaucoup sur ce point. Elle me saoule un peu, mais au fond je sais qu’elle a raison.

Malène Jobert : Elle se donne tellement à fond pour chacun de ses rôles, comme si sa vie en dépendait. Parfois, j’aimerais juste qu’elle n’en oublie pas de vivre, de s’accorder des pauses, des moments à elle. Le temps passe tellement vite...

C'est un luxe d'être fusionnelle avec sa maman, Eva ? 

Eva Green : Une exceptionnelle chance, surtout pour moi. Mais il ne faut pas croire que notre relation se passe sans heurts. Quand nous ne sommes pas du même avis, c’est-à-dire dire assez souvent, nous nous disputons allègrement. Nous pouvons restées fâchées au moins… une heure ou deux ! (Rires). 

Interview Amandine Scherer

Les Sorcières de la rue des tempêtes, par Marlène Jobert, avec la participation d'Eva Green. Livre et CD, éd. Glénat jeunesse.