Elections: Elio Di Rupo est l'invité de Matin Première

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JOURNALISTE : Bertrand HENNE 

Ce matin, Elio Di Rupo est l'invité de Bertrand Henne et de Marc Sirlereau 

BH : Elio Di Rupo a rappelé tout à l'heure, son crédo : pas d'austérité. Cela dit on sait bien qu'il va falloir faire des économies. Le Bureau du plan le dit très clairement. Alors on va voir justement, comment le PS prévoit de faire des économies. On va parler des recettes nouvelles, éventuelles, avec ce qu'il y a dans le programme du PS. Notamment l'impôt sur la fortune, les intérêts notionnels. Mais avant, Elio Di Rupo, une question sur les dépenses. Quelles dépenses va-t-il falloir réduire ? Est-ce que vous en avez actées certaines, dans votre programme ? 

EDR : Et bien je pars du principe qu'on ne va pas faire porter uniquement à l'Etat, à l'Etat belge, les régions et les communautés, tout le poids d'une crise, dont les seuls responsables, c'est le monde de la finance et les mondes de la finance, qui a pu faire ça, à cause du système libéral, depuis les années 80. 

BH : Ils n'ont réduit aucune dépense ? 

EDR : Ah non ! Attendez ! Laissez-moi aller au bout. Et donc, la première chose à faire, c'est la réglementation de ce monde. On commence aux Etats-Unis, on doit aller plus loin, au niveau européen. Deux, sur le plan belge, la première chose à faire, c'est de continuer nos mesures « anticrise ». Vous savez que l'OCDE a dit de la Belgique, que nous avons été l'Etat qui a pris les meilleures mesures, pour lutter contre  la crise et donc il faut continuer à faire sorte qu'il y ait une activité économique. On doit soutenir l'activité économique... créer de l'emploi. On a vu la réduction de 25 mille chômeurs en Wallonie, depuis le début de l'année. Il faut faire un Plan Marshall, à l'échelle du pays, avec les Gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux. Ca c'est le premier point... 

BH : Ca c'est votre argumentaire...  c'est important... mais sur les dépenses ? Pour revenir à ma question. Est-ce qu'il y a des coupes dans les dépenses ou pas ? 

EDR : Ecoutez-moi bien ! Il faut cesser... Je me refuse d'entrer dans ce schéma où on voudrait faire croire qu'en supprimant des dépenses, en faisant subir aux citoyens, la crise une deuxième fois... on va résoudre les problèmes. Ce n'est pas vrai. C'est de l'idéologie purement libérale. Ca n'existera pas. Il faut un budget qui soit rigoureux. Les Socialistes ont toujours été pour un budget rigoureux. Nous avons réduit le stock de dettes, d'une manière drastique, durant des années. Avec Monsieur Verhofstadt, nous avons eu un budget en équilibre... nous l'avons fait avec Monsieur Leterme. C'est la crise du système libéral, qui crée les difficultés. Et donc... 

MS : Et donc... Elio Di Rupo... si cela ne vient pas des dépenses, cela viendra des recettes ? 

EDR : Non... mais attendez, laissez-moi aller au bout. Alors...donc... on partira d'un budget où on regardera chaque dépense, mais on n'ira pas altérer les soins de santé, les pensions, les allocations de remplacement. Nous ferons en sorte que tout ça puisse évoluer. Et en même temps ...les recettes... 

MS : Alors... les recettes... Vous dites justement que c'est une crise. Les banques sont responsables. Donc en réalité ce sont les banques qui vont payer ? Les banques, les entreprises qui se portent bien, qui licencient ? 

EDR : Non... non... D'abord les entreprises qui gagnent, au-delà, avec des actionnaires qui empochent des plus-values extraordinaires, sans payer un franc de fiscalité, sans payer un euro de fiscalité... là, sur les plus-values, il y a moyen de récupérer 800 millions. Par ailleurs, la fraude fiscale ? J'entends les uns et les autres. Moi... je voudrais simplement vous dire : le Parlement, à l'unanimité... c'et-à-dire les parlementaires, à l'unanimité, ont décidé 108 mesures. Des mesures, dans le domaine de la justice, des mesures dans le domaine du Ministère des Finances. Il n'y a que 8 mesures de lutte contre la fraude fiscale qui ont été prises. Et bien... je ne porte pas de jugement, je ne critique pas les études, je ne me réfère à rien, je dis : les parlementaires ont travaillé. Depuis un an, il n'y a que 8 mesures. Et bien prenons les 100 mesures supplémentaires. 

MS : Et cela pourrait rapporter combien ...les mesures ? Certains disent vingt, d'autres dix, certains trente ? 

EDR : Certainement des milliards. Nous pensons à certainement autour de 5 milliards. Et si on regardait le travail que fait l'ISI... il suffit de remplir un peu plus le cadre de l'ISI, de donner des moyens, notamment, aux responsables de l'ISI, nous aurions des résultats meilleurs. 

MS : Cinq milliards par an ? Donc ça veut dire que si cela fait cinq ans, cela fait 25 milliards, donc il ne faut plus chercher les recettes ailleurs ? 

EDR : Et par ailleurs... les intérêts notionnels. C'est-à-dire que tout ce qui est avantage fiscal, il faut le réserver aux PME, aux petites entreprises, faire en sorte que l'on aide la création d'emplois. Alors... nous, nous avions accepté pour qu'il y ait de l'emploi. Aujourd'hui on constate qu'en net cela coûte 800 millions et qu'il y a à peine trois mille emplois qui ont été créés, d'après la Banque Nationale. Cela veut 266 mille euros par emploi. Ca ne va pas. Recyclons ces cadeaux fiscaux, pour les donner davantage, aux indépendants, aux petites entreprises et créer de l'emploi pour nos citoyens. 

MS : Il ne faut pas pour cela supprimer ? C'est clair... 

EDR : Non, non... il ne faut pas le supprimer, ça a été accepté, mais il faut les concentrer sur les PME et sur les très petites entreprises. 

BH : Vous avez dans votre programme, une mesure de fiscalité importante : c'est l'impôt sur la fortune, qui est partagée également par Ecolo. J'aimerais savoir si c'est une priorité pour le PS où si c'est dans le programme... mais que vous savez bien que ce sera difficile. Est-ce que ce sera vraiment porté de manière majeure ? 

EDR : Tout ce qui est dans le programme du Parti socialiste, est porté par la Parti socialiste, aux négociations. De quoi s'agit-il ? C'est tout simple ! Il y a un pourcent de la population qui est concerné. Et bien ce un pourcent, ce sont des gens qui ont un avoir de plus de 1 million 250 mille euros, en dehors de leur maison, de leur habitation personnelle et en dehors du patrimoine, qui serait un patrimoine commercial, s'ils sont indépendants. Et on demande 0,5%. Ce n'est quand même pas la fin du monde. On doit vivre dans un pays équilibré, on doit assurer la sécurité, il nous faut plus d'enseignants, il nous faut plus de policiers. Tout le monde le réclame, mais alors on dit en même temps : mais il faut que les caisses de l'Etat soient vides. Alors... soyons cohérents... n'allons pas demander aux gens de la classe moyenne, aux gens qui éprouvent des difficultés, d'avoir une taxation supplémentaire. Non ! Les bas salaires, les gens qui ont peu d'argent, on doit réduire leur fiscalité, mais au moins allons chercher un peu chez ceux qui ont davantage de moyens financiers. 

MS : C'est Mitterrand, en 81, finalement... Les banques doivent payer, les grandes entreprises... 

EDR : Mais n'allez pas l'archéologie de l'histoire. L'époque de Mitterrand était une belle époque, mais regardez le drame avec Sarkozy, regardez le drame dans lequel nous met Angela Merkel, par rapport à certains pays, regardez la Grèce, avec les Conservateurs. Ce sont les Conservateurs qui ont conduit les Grecs, dans une situation... parce qu'on parle de la Grèce... mais ce sont les citoyens qui subissent la crise. Et donc il faut cesser de donner des leçons, notamment aux autres. Je pense que le système libéral est dans un cul-de-sac et qu'aujourd'hui les citoyens doivent faire des choix et certainement le vote le plus utile, c'est celui vers le Parti socialiste. 

BH : Alors... il va falloir travailler trois ans de plus, sans toucher à l'âge légal de la pension, c'est ce qu'avait dit Michel Daerden, Ministre sortant des Pensions. Ok ! Sauf que pour beaucoup d'observateurs, il faudra pour cela, toucher au régime des prépensions. Est-ce que le PS accepterait un deuxième pacte entre les générations ? 

EDR : Allez... ce n'est pas ça du tout ! D'abord... un : on ne touche pas à l'âge de la pension. Les gens qui ont travaillé toute leur vie, méritent de la société, qu'on puisse leur donner des moyens financiers, pour qu'ils vivent dignement. Deux : c'est vrai qu'entre 50 et 64 ans, on doit donner un bonus ...je n'entre pas dans le détail... pour un certain nombre de professions. Pas les métiers pénibles, pas les métiers dangereux. Mais les personnes qui veulent rester jusqu'à l'âge de 65 ans, on pourrait les encourager. 

BH : On le fait déjà et ça ne marche pas très bien Elio Di Rupo ? 

EDR : Et bien il faut le faire marcher ! Voilà ! 

BH : Et comment on fait alors ? 

EDR : Et bien il faut le faire marcher en donnant des moyens supplémentaires. Et enfin... les prépensions... Heureusement qu'il y a les prépensions. Quand des entreprises se restructurent, que des gens ont 50, 52 ans, 53 ans, et qu'ils se retrouvent sans rien, avec des difficultés de trouver de l'emploi, jusqu'à la fin de leur existence, qu'ils ont une maison à payer, des enfants aux études. Heureusement qu'on a la prépension. Et la prépension, il faut le rappeler aux citoyens... c'est à la fois une allocation de chômage et c'est une partie que l'entreprise continue à payer. Et bien nous devons le garder. Bien entendu, c'est un dernier recours, parce qu'on oublie de dire... les gens qui vont à la prépension, ne l'ont pas demandé... Ce sont des gens qui veulent travailler. 

BH : Donc il n'y aura pas de nouveau pacte entre les générations ? C'est ce que vous dites ce matin Elio Di Rupo ? 

EDR : Ayez la gentillesse de m'écouter... 

BH : Mais je vous écoute... 

EDR : Il faut cesser d'accabler les citoyens... 

BH : Donc c'est non ? 

EDR : Il faut vraiment cesser... Il y en a qui s'en mettent plein les poches, dans le système financier et puis, quand il faut faire des économies, on va toujours chez le citoyen. Il ne peut pas si... il ne peut pas là... 

BH : Donc... pour que les citoyens comprennent bien, c'est non ? On ne touche pas à la prépension ? 

EDR : Les citoyens doivent pouvoir vivre et quand ils perdent malheureusement leur emploi, ils doivent continuer à pouvoir vivre dignement. 

BH : Marc Sirlereau... sur l'emploi. 

MS : En matière d'emploi justement. Pour créer des emplois nouveaux, certains disent, c'est dans le programme du PS... mais pratiquement tous les partis... il faut encore baisser les charges sociales sur les bas et les moyens revenus.  C'est quand même une des propositions qui se retrouve là. Pour inciter des personnes plus âgées, à rester au travail, on dit : il faudrait peut-être aussi réduire les charges sociales les concernant. Du côté de la FGTB on dit que ça ne sert plus à rien, il n'y a plus rien à enlever. 

EDR : Je vais vous donner le programme du Parti socialiste. D'ailleurs on vient de signer un contrat avec dix priorités. Et je vais vous donner le programme en surlignant... 

MS : Ca se trouve dans l'actuel quand même, ce que je viens de dire ici. Je ne l'ai pas inventé Elio Di Rupo ? 

EDR : ...l'essentiel. L'essentiel, c'est ce que nous avons fait : le Plan Marshall. Le Plan Marshal est un exemple type du dynamisme économique, insufflé par les Socialistes. Et nous l'avons fait avec le CDh et aujourd'hui nous le faisons avec les Verts, le CDh et nous-mêmes. Et bien le Plan Marshall est en train de redresser d'une manière spectaculaire, la Wallonie. Ca c'est le premier point. Et deux... si on peut continuer à aider notamment les entreprises qui ont moins de 10/11 travailleurs... d'une manière à la stimuler, puisqu'on sait qu'environ 40-50% de l'emploi, ce sont de très petites entreprises et des PME. Et bien faisons-le. Il faut le faire en n'oubliant pas que quand on a des cotisations sociales, c'est un salaire différé, pour le travailleur. C'est-à-dire qu'aujourd'hui il reçoit un certain salaire et demain il recevra une pension. Dès lors, cet argent qui s'appelle cotisation, c'est en fait un salaire qui n'est pas donné immédiatement... mais qui est transféré... 

MS : Ce sera pour l'avenir ? 

EDR : ...mais donc, pour les plus petites entreprises, pour stimuler l'emploi, il y a encore moyen de faire quelque chose. 

MS : Justement... vous avez parlé des banques. On dit qu'il faut différencier les banques de dépôt et les banques d'investissements. Est-ce que vous pourriez imaginer, comme certains le proposent, à votre gauche, comme le PTB ou le Front des gauches, de recréer une banque publique comme la CGER ? 

EDR : D'abord... au niveau wallon il y a eu, il y a pour l'instant une institution... Non ! Mais ce que je veux dire, c'est que ce qui est important c'est qu'on puisse trouver une réglementation européenne pour que les banques ne jouent pas avec l'épargne des citoyens. Enfin... c'est scandaleux... Les citoyens ont mis leur argent dans les banques et les banques ont joué en bourse, ont joué au casino, avec l'argent des citoyens.  Nous sommes intervenus. L'Etat a mis beaucoup d'argent... et bien le minimum minimorum de l'obligation morale des banques, c'est de soutenir les citoyens et les entreprises. Et oui il faut dire qu'il faut deux types de banques : la banque ...qui est la banque d'épargne... et qui doit aider les entreprises et les citoyens. Et puis s'il y en a d'autres qui veulent spéculer et bien ils n'ont qu'à spéculer avec leur argent, mais pas l'argent des citoyens. 

BH : Une dernière question Elio Di Rupo. Si un Francophone, après les élections, obtient le poste de Premier ministre, est-ce qu'il ne risque pas de le payer sur un plan communautaire ? Est-ce qu'on ne va pas payer cette fonction ? 

EDR : Mais c'est tout simple ! Aucun Francophone ne peut accepter d'être ministre, en ce compris Premier ministre, en ayant en tête qu'il pourrait dégrader la qualité et la défense des Francophones. Ca c'est très clair ! Et avant de parler de ministre, il faut parler coalition et avant coalition, ce sont les résultats électoraux et j'espère vraiment que les citoyens considèreront le Parti socialiste, comme le rempart le plus sûr, pour les Francophones. 

BH : Mais cela pourrait apporter quelque chose aux Francophones, d'avoir un Premier ministre ou pas ? 

EDR : Non, non... très clairement, la question de ministre : il n'y aura pas un seul Francophone, qui acceptera la fonction de ministre, dans un gouvernement, pour dégrader la situation des Francophones. 

BH : Merci Elio Di Rupo

 

 

 

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