Coluche disait : "C’est pas dur la politique : c’est cinq ans de droit, tout le reste de travers." L’affirmation est excessive, caricaturale mais propre à l’humoriste qui analysait à sa manière dans les années 70 le pedigree du personnel politique français.
Plus sérieusement, la surreprésentation des avocats dans le monde politique n’étonne pas Jean Faniel, directeur général du CRISP, le Centre de recherche et d’information socio-politiques. "Il y a clairement un lien su, connu, avéré. Il y a une surreprésentation des métiers du droit dans les fonctions politiques, notamment au niveau parlementaire", rappelle Jean Faniel.
En 2015, le CRISP avait réalisé une analyse du profil des parlementaires francophones. Que dit celle-ci ? "Les autres statuts socio-professionnels assez bien représentés sont, dans l’ordre décroissant, les cadres et les titulaires d’une fonction dirigeante dans le secteur privé (19,0%), les enseignants/chercheurs (12,7%), les fonctionnaires (11,1%) et les professions libérales (11,1%), surtout les avocats."
En 2019, après les élections, la RTBF avait brossé le portrait des parlements wallons et bruxellois. Conclusion : "Plus de 13,5% exerçaient une profession libérale comme avocat ou encore kinésithérapeute ou architecte."
Les avocats ont l’habitude de fréquenter les textes légaux
Jean Faniel soumet son explication quant à la présence importante d’avocats au sein des assemblées. "De par la nature de la profession, les avocats ont l’habitude de fréquenter les textes légaux. D’où une certaine expérience de terrain, qui leur permet de voir ce qu’il faut modifier ou pas au niveau législatif et réglementaire pour que la société aille mieux. Cela vaut quel que soit le bord politique. Ils s’intéressent au débat public de ce fait-là."
Etre avocat, plaider, affronter un juge, parfois un jury d’assises : c’est embrasser une cause. "C’est embrasser une cause souvent individuelle pour en faire une cause plus générale. A côté, il y a celles et ceux qui s’engagent dans les métiers du droit par idéal politique sans nécessairement faire de la politique." Exemple avec le cabinet Progress Lawyers Network, proche du PTB. Certains de ses avocats ont tout de même fait de la politique : Axel Bernard à Schaerbeek, la députée régionale Leila Lahssaini…
Le CRISP n’oublie pas non plus les avocats actifs en tant que lobbyistes, dans l’ombre : les lobbyistes fiscalistes par exemple. "Le meilleur lobbyiste, c’est celui qui tient le crayon, qui rédige le texte de loi."
Des professionnels occupent des postes ministériels en lien avec leur formation : Maggie De Block (Open Vld), médecin, à la Santé, Laurette Onkelinx, avocate, jadis à la Justice tout comme Marc Verwilghen (Open Vld)… "Est-ce que les techniciens sont les mieux placés ? Ce n’est pas rare mais le succès est relativement variable. A la Justice, c’est fréquent. Un médecin à la santé, ça l’est moins. Rappelons qu’avant la Deuxième guerre mondiale, le ministre de la Guerre était un colonel ou un général."