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"L'addiction sexuelle, c'est un besoin violent que l'on doit satisfaire et qui n'est pas du tout épanouissant"

'L'addiction sexuelle, c'est un besoin violent que l'on doit satisfaire et qui n'est pas du tout épanouissant'

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Par Fabienne Pasau

Le sexe est un plaisir. Mais il arrive que ce plaisir se transforme en addiction et en souffrance. Comment retrouver son libre arbitre quand le sexe est devenu une idée fixe, que l’on ne peut plus s’empêcher d’en vouloir encore, toujours plus ?

Sujet encore tabou et surtout méconnu, l’addiction sexuelle est traitée avec délicatesse et respect dans Sexe sans contrôle par François-Xavier Poudat et Marthylle Lagadec (Ed. Odile Jacob).

Il est médecin psychiatre et sexologue, spécialiste des thérapies comportementales et cognitives et des thérapies de couple. Il dirige une consultation d’addiction sexuelle au CHU de Nantes et a écrit Bien vivre sa sexualité et La Dépendance amoureuse.

 

Qu'entend-on par addiction sexuelle ?

L'addiction sexuelle est une pathologie, à différencier de l'hypersexualité et des perversions. C'est une dépendance entre une personne et des comportements sexuels, normaux ou parfois déviants, mais qui ne se limite pas à une augmentation de fréquence sexuelle.

C'est le caractère compulsif, irrépressible, répété, envahissant, incontrôlable, quelles que soient les conséquences, qui en fait une addiction.
"C'est l'utilisation de la sexualité pour quelque chose qui n'est pas de l'ordre du plaisir, mais de la satisfaction d'un besoin immédiat, pulsionnel, avec ce caractère particulier de la perte de contrôle et de raisonnement, de la répétition des comportements, de l'augmentation de la dose pour avoir le même effet, par exemple dans le cas du cyber sexe.

Avec des conséquences parfois dramatiques : des pertes de sommeil, des troubles personnels, de l'énervement, de l'irritabilité. C'est un besoin violent que l'on doit satisfaire et qui n'est pas du tout épanouissant, autonomisant, qui ne construit pas une relation avec quelqu'un."

Ce sont des personnes qui souffrent, qui ont honte, et qui en subissent des conséquences sur le plan professionnel et privé.

 

Y a-t-il un profil type ?

On constate un vécu ancien d'insécurité, ou des traumatismes sexuels vécus dans l'enfance. Certains vont utiliser l'addiction comme un pseudo-médicament face à des situations difficiles à gérer. C'est pourquoi le sevrage ou l'abstinence ne résout pas le problème d'addiction à long terme.

"On a tous des dépendances, car on s'accroche à ce qu'on peut pour s'en sortir dans l'existence, mais certaines posent problème. Il peut y avoir du mimétisme familial, la cigarette, le jeu, l'alcool, le sport... Certains vont utiliser la sexualité. Il y a très rarement une seule addiction chez un individu. Parfois, en fonction des circonstances, ça peut être l'association alcool-sexe, ou cannabis-alcool-sexe... et à un moment donné, on va privilégier une seule addiction et devenir vraiment un accro. Le traitement doit donc prendre en compte la totalité du système de dépendance, de l'être dans sa globalité."

La personne vit au travers de ces objets addictifs et ne vit pas avec. C'est pourquoi elle vit cette addiction isolée dans son coin, sans rien partager avec personne.

Les femmes souffrent-elle aussi d'addiction sexuelle ?

Il y a de plus en plus de femmes qui consultent pour des comportements sexuels addictifs, par exemple la masturbation compulsive, ou l'utilisation de cyber sexe, mais dans les études réalisées, ça n'a pas du tout la même valeur ou explication. On parle plutôt de dépendance affective, c'est à dire accro à l'autre et non pas au sexe. Les femmes deviennent généralement accro au sexe dans un but de rapprochement, pour capter l'homme dans sa globalité, pour avoir l'amour, les bras, les mots... Elles recherchent plutôt le chat, les rencontres, parler, communiquer, échanger.

Pour d'autres, la sexualité aide à "expier la faute" qu'elles estiment avoir par rapport à des traumatismes sexuels vécus pendant l'enfance. Elles ont une image tellement négatives d'elles-mêmes, leur souffrance est tellement grande, qu'elles utilisent des comportements sexuels pathologiques (pornographie, clubs de rencontres, toxicomanie, alcool et sexe...) dans le but de se salir davantage, comme si elles ne méritaient que ça. C'est une punition qu'elles s'infligent. C'est une spécificité qu'on ne retrouve pas chez l'homme.

Le cyber sexe

Le cyber sexe

Nous vivons dans une société de plus en plus addictogène : consommation immédiate, intolérance à la frustration, tyrannie du plaisir, libération émotionnelle... Internet a évidemment facilité l'ouverture à des contenus auparavant moins accessibles, et qui sont anonymes, gratuits.

Dans le cyber sexe, on retrouve deux types de personnes. Ceux qui vont utiliser les images de manière immédiate dans un but de masturbation. Et ceux qui sont accro au virtuel, à l'image, sans masturbation nécessairement, juste en quête de quelque chose : c'est un phénomène d'hypnose de l'image.

 

Comment s'en sortir ?

L'addiction a une fonction essentielle, celle d'apaiser l'angoisse. La prise en charge passe donc par des thérapies cognitives, comportementales, l'hypnose, l'EMDR (désensibilisation et retraitement des informations à l'aide de mouvements oculaires)...

Le traitement passe aussi beaucoup par la parole. On constate que ce sont des personnes qui ont été au départ dans la honte, le dégoût de soi, le mal-être. Ils se sentent seuls avec leur problème. Le fait d'en parler en groupe crée une dynamique de changement déjà très positive.

Enfin, en cas d'état dépressif grave, d'anxiété importante, de bi-polarité, le recours à des traitements médicamenteux peut être temporairement nécessaire, pour traiter l'état psychologique sous-jacent. Mais il faut bien sûr ensuite travailler sur l'addiction en elle-même.

 

Quand le sexe devient addiction...

Sexe sans contrôle par François-Xavier Poudat et Marthylle Lagadec (Ed. Odile Jacob).

Ce guide aborde sans tabous l’addiction au sexe. 
Il offre la possibilité à toute personne s’interrogeant sur sa sexualité de prendre en charge de façon autonome, ou en complément d’une thérapie, son comportement dépendant.
Il permet de comprendre ce qu’est l’addiction sexuelle, en quoi elle est pathologique et comment s’en libérer. 

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