FOISONNANT. Ce sont de véritables écosystèmes ambulants : dans leur fourrure, les paresseux à gorge brune (Bradypus variegatus) hébergent des algues, des insectes… et des champignons. Rien qu’en surface, leur toison abrite pas moins de 84 souches parentes entre elles.
La toison du paresseux, un El Dorado du champignon
Une véritable champignonnière sur laquelle s’est penchée une équipe du Smithsonian Tropical Research Institute à Panama. Les scientifiques ont testé les propriétés de ces hôtes d’un genre particulier et découvert qu’un bon nombre avaient de puissantes activités antibactériennes. L’un d’entre eux a même développé un mécanisme apparemment différent de celui des classes d’antibiotiques connues. Certains exercent aussi une action antiparasitaire contre les vecteurs du paludisme et de la maladie de Chagas.
Dans cette pharmacopée portative, d’autres agissent enfin contre une lignée de cellules de cancer du sein (MCF-7, la plus utilisée dans les recherches). Depuis la découverte de la pénicilline (1928), les propriétés médicinales du règne fongique sont étudiées de près, mais le rythme des découvertes tend à baisser. Ironiquement, c’est un animal réputé pour sa lenteur qui pourrait leur donner un coup d’accélérateur !
POPO. Aux paresseux, les champignons rendent encore bien d’autres services. En cherchant à comprendre pourquoi les espèces à trois doigts (les aïs) descendent au pied de leur arbre pour déféquer, s’exposant ainsi à une attaque de prédateur, l’écologue Jonathan N. Pauli (université du Wisconsin à Madison, États-Unis) a découvert que les mammifères permettent aux mites, qui colonisent en nombre leur fourrure, de pondre dans leurs fèces.
En retour, les insectes, lorsqu’ils se décomposent dans le poil, fournissent des nutriments non organiques à des algues, lesquelles apporteraient aux paresseux les lipides que ne lui fournissent pas les végétaux… Cette relation complexe n’existerait pas sans les champignons qui colonisent la fourrure du paresseux ; ce sont eux qui assureraient la décomposition des mites ! Pour le paresseux, dans le champignon, tout est décidément bon.
NUMÉRIQUE. Cet article de Laurent Brasier est extrait de Sciences et Avenir Hors-série 179, actuellement en kiosque. Le journal est également disponible en version digitale via l'encadré ci-dessous.