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Archéologie

À l’origine de l’écriture pharaonique, la falaise aux hiéroglyphes

Des chercheurs ont fait une découverte exceptionnelle au sud de Louxor : une paroi rocheuse couverte de proto-hiéroglyphes, qui préfigurent l’écriture des anciens Égyptiens.

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falaise aux proto-hiéroglyphes, en Égypte

Sur la falaise du site d' Al-Khawi, apparaissent, en autres, deux cigognes dos à dos et un oiseau ibis chauve au-dessus.

Ministère des Antiquités égyptiennes/universitéYale

ÉGYPTOLOGIE. Ils s’offraient aux rayons incandescents de l’astre solaire depuis près de 5250 ans… D’exceptionnels proto-hiéroglyphes et de multiples inscriptions rupestres ont été mis au jour, gravés sur des falaises de grès près du village d’Al-Khawi à 60 km au sud de Louxor, en Égypte. “Une découverte sensationnelle”, n’a pas hésité à commenter l’égyptologue français Pascal Vernus, directeur émérite à l’École pratique des hautes études (EPHE), joint à Bonn (Allemagne), où il participait à un colloque justement consacré… à l’écriture dans la vallée du Nil.

Les spécialistes de l’université Yale (États-Unis), du ministère des Antiquités égyptiennes et des Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles (Belgique) ont en effet révélé avoir découvert dans le cadre du Elkab Desert Survey Project plusieurs inscriptions parmi lesquelles d’imposantes figures animales qui remonteraient aux périodes prédynastiques, et donc aux origines du fascinant et poétique système d’écriture de l’Égypte ancienne.

John Coleman Darnell, égyptologue à l’université Yale (États-Unis)  examine les proto-hiéroglyphes retrouvés au sommet de la falaise. © Ministère des Antiquités égyptiennes/université Yale

Les première étapes de “l'écriture des dieux”

Pour John Coleman Darnell, de l’université Yale, le responsable des recherches, ces figures constitueraient “certaines des premières étapes de l’écriture hiéroglyphique”. En effet, “s’il ne s’agit pas encore d’écriture au sens propre du terme, nous sommes face à un tableau mettant en œuvre des symboles qui deviendront plus tard des signes d’écriture à l’époque pharaonique”, précise Pascal Vernus. Ainsi, incisées sur la paroi, on peut voir une tête de taureau et surtout une espèce de grande cigogne, (jabiru) qui deviendra plus tard “un hiéroglyphe traduisant la notion égyptienne de ba, la capacité pour un être à se manifester sous différentes formes”, poursuit l’expert. Parmi les autres figures, un ibis chauve (Geronticus eremita), oiseau dont le hiéroglyphe exprimera la notion de akh, une transfiguration permettant aux défunts de vivre dans l’au-delà. Gravés dos à dos, les deux oiseaux entaillés dans l’immense paroi rocheuse figurent surtout un thème bien connu dans l’Égypte pharaonique : celui du symbole de départ et d'arrivée de la course du soleil, un rôle qui sera plus tard plutôt dévolu à des taureaux ou des lions. “Les deux oiseaux jabirus symbolisent respectivement la manifestation du soleil qui surgit à l'est, parcourt le ciel, puis termine son trajet en se couchant à l'ouest, devenant alors un soleil nocturne”, précise Pascal Vernus.

Une symbolique très sophistiquée

Les découvreurs placent ainsi la composition graphique retrouvée sur ces falaises autour de 3250 avant J.-C., c'est-à-dire 250 ans avant l'avènement de l'état pharaonique avec l'unification de l'Égypte par le souverain Nârmer (vers 3000 avant J.-C.). Ce “tableau” montre surtout qu’avant les premières attestations assurées de l'écriture égyptienne — celle apparue sous les prédécesseurs immédiats du roi Nârmer, vers 3100 avant J.-C. —, les Égyptiens avaient développé une symbolique très sophistiquée qui contenait déjà les germes de ce système d’écriture. “Cette symbolique est par ailleurs attestée de manière apparentée sur les étiquettes (inscriptions) des jarres à vin retrouvées dans la célèbre tombe U-j d'Abydos (lire le reportage « l’Égypte des rois Scorpion », Sciences et Avenir n° 711), à peu près contemporaine du tableau qui vient d'être retrouvé”, ajoute l’égyptologue.

Vue générale de la falaise aux hiéroglyphes, près d’Al-Khawi, à 60 kilomètres au sud de Louxor. © Ministère des Antiquités égyptiennes/université Yale

Quant aux dimensions exceptionnelles des signes composant ce tableau (environ 60 cm de haut), elles seraient la manifestation d'une tendance bien affirmée pendant la période pharaonique : « les interprétations que l'idéologie donnait du monde étaient souvent affichées dans un apparat formel et des localisations les rendant particulièrement ostensibles et visibles », comme ici ces falaises situées le long d’un itinéraire très emprunté entre les deux grandes cités d’Elkab, l’antique Nekheb, et Hierakonpolis. On pense aussi aux stèles frontières que les pharaons dressaient aux limites de leur territoire, ou encore aux décrets, tel celui de Nauri, retrouvé gravé sur la paroi d'une butte rocheuse au nord de Dongola, en Nubie. Ces inscriptions du désert d’Elkab reflètent ainsi une phase de transition importante dans l’histoire de la pensée égyptienne ancienne et ce qui deviendra “l’écriture des dieux”.

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