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Archéologie

On en sait enfin davantage sur la fabrication et l'origine extraterrestre du poignard de Toutankhamon

Une nouvelle étude scientifique japonaise revient précisément sur la façon dont a été forgée et créée le célèbre poignard à lame de fer trouvé dans le tombeau du pharaon Toutankhamon.

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Photographies du poignard de Toutankhamon prises au Musée égyptien du Caire le 9 février 2020. Il se compose d'une lame de fer métallique à double tranchant et d'une poignée en or. Sa longueur est de ~35,2 cm. C) Le poignard de Toutankhamon au moment de sa découverte photographié par Harry Burton. Reproduit avec la permission du Griffith Institute, Université d'Oxford.

Photographies du poignard de Toutankhamon prises au Musée égyptien du Caire le 9 février 2020. Il se compose d'une lame de fer métallique à double tranchant et d'une poignée en or. Sa longueur est de ~35,2 cm. C) Le poignard de Toutankhamon au moment de sa découverte photographié par Harry Burton. Reproduit avec la permission du Griffith Institute, Université d'Oxford.

Crédits: Meteoritics & Planetary Science
Photographies du poignard de Toutankhamon prises au Musée égyptien du Caire le 9 février 2020. Il se compose d'une lame de fer métallique à double tranchant et d'une poignée en or. Sa longueur est de ~35,2 cm. C) Le poignard de Toutankhamon au moment de sa découverte photographié par Harry Burton. Reproduit avec la permission du Griffith Institute, Université d'Oxford.
On en sait enfin davantage sur la fabrication et l'origine extraterrestre du poignard de Toutankhamon
Bernadette Arnaud
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D’or, de cristal de roche, de fer… et de particules célestes ! Une nouvelle analyse chimique du poignard à lame de fer du célèbre pharaon égyptien Toutankhamon (vers 1347-1327 avant J.-C.), a permis de percer encore un peu plus le mystère de son origine… extraterrestre. Depuis 2016 et les premiers travaux d’une équipe italienne de l’Ecole Polytechnique de Milan, de l’Université de Pise, de Turin et leurs collègues égyptiens du musée du Caire, on savait déjà que les concentrations en nickel et les quantités de cobalt, phosphore, carbone et soufres décelées dans la lame de ce précieux poignard de 34,2 cm de long, étaient typiques de fer d’origine météoritique.

Rappelons que cette arme blanche à manche en or se terminant par un pommeau en cristal de roche, a été découverte en 1925, dans le fabuleux trésor de la sépulture royale de ce souverain de la 18e dynastie. Mais était-il possible d’aller plus loin dans les analyses ? De nouveaux examens permettaient-ils, par exemple, d’identifier jusqu’au type de météorite concernée, ou la façon dont ce poignard a été façonné ? C’est à ces questions que viennent de répondre une équipe de chercheurs japonais de l’Institut de technologie de Chiba, et leurs collègues égyptiens, dans la revue américaine Meteoritics and Planetary Science, des spécialistes pour qui jusqu’à ce jour, "la méthode de fabrication et l’origine du poignard étaient restées assez floues".

Une météorite principalement constituée d’alliages de fer et de nickel

À la suite d’une série d’examens menés au Musée égyptien du Caire, en février 2020, les signataires de l’article décrivent ainsi de quelle façon, en utilisant des méthodes non invasives d’imagerie par spectrométrie de fluorescences des rayons X, ils sont parvenus à identifier à la surface de la lame, en la scannant, des structures dites de Widmanstätten. Ces figures en lamelles, semblables à des hachures, indiquent que le fer est de l’octaédrite. Il provient d’une météorite principalement constituée d’alliages de fer et de nickel, dont les chercheurs ont pu obtenir l’image métallographique. A savoir, la distribution de nickel et de chlore sur les deux faces de la lame, de même que la présence de taches noires. Celles-ci sont des vestiges d’inclusion de troïlite, qui ont permis de préciser la nature de la météorite. "Ces corrosions ont d’autre part permis de connaitre les températures de chauffe", explique Philippe Walter, directeur du Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurale (LAMS), une unité mixte de recherche (CNRS et Faculté des Sciences de Sorbonne Université), joint par Sciences et Avenir.

Echantillon météoritique d'octaédrite avec vue rapprochée de la surface et ses structures dites Widmanstätten. Crédits : Meteoritics & Planetary Science.

Ce fer météoritique a dû être trouvé dans la nature sous forme de sphère, avant d’être forgé pour le transformer en lame par chauffage et martelage. Mais jusqu’à quelle température savait-on aller à l’époque ? Il est notoire que les anciens Egyptiens savaient fondre depuis longtemps du cuivre et de l’or, et qu’ils étaient donc capables d’atteindre de hautes températures, jusqu’à 1200 °C. "Les faciès qui ont été observés dans les produits de corrosions et les microstructures ont permis de dire que cette lame avait été forgée à basse température, c’est-à-dire à moins de 950°C, poursuit le spécialiste. Rappelons que nous sommes aux débuts de la métallurgie du fer et que ce nouvel article permet de mieux comprendre comment les forgerons travaillaient en ces temps". Une maitrise des températures du feu bien connue des potiers et des métallurgistes, puisque pour produire par exemple le célèbre "bleu égyptien" - le premier pigment créé par l’Homme- il fallait déjà atteindre 900 °C. "Pour mettre en forme cette lame parfaite, il a donc été nécessaire de réchauffer le métal de la météorite, puis de le marteler, et recommencer ainsi l’opération autant de fois que nécessaire, explique Philippe Walter. Cette publication est tout à fait intéressante car elle nous éclaire sur les gestes qui ont permis de fabriquer cette dague exceptionnelle", poursuit le scientifique. 

Poignard à lame de fer d'origine météoritique retrouvé sur la dépouille du pharaon Toutankhamon. Crédits : Egyptian Museum Cairo / Daniela Comelli

Un objet offert par un roi à un pharaon, puis transmis à son petit-fils !

Cet article rappelle également, que des informations recueillies dans l’une des lettres d’Amarna, ces tablettes d’argile d’ordre diplomatiques découvertes à partir de 1887 dans la cité fondée par Amenhotep IV-Akhenaton, le père de Toutankhamon, indiqueraient l’origine du poignard. A travers ces correspondances échangées entre différents souverains égyptiens et des cours étrangères, celui-ci aurait pu être un cadeau offert au grand-père de Toutankhamon, le pharaon Amenhotep III (1417-1379 avant J.-C.), lors de son mariage avec la princesse Tahudepa. Un des textes, la lettre EA 22, présenterait ainsi la description d’une lame offerte à Amenhotep III par Toushratta, roi du Mitanni, un royaume situé au nord-est de l'actuelle Syrie. Traduite, on peut lire "…un poignard dont la lame est en fer, sa garde en or, … avec des décors : son manche, en … avec incrustation en véritable lapis-lazuli… ". Une lame rarissime et précieuse probablement importée du Levant, dont Toutankhamon aurait pu hériter de son grand-père. Un autre poignard se trouvait aussi dans la tombe de Toutankhamon, mais il s’agissait d’une dague munie d’une lame en or, elle aussi retrouvée sur la momie, comme celle de fer.

Dans cette publication, les scientifiques ont également essayé de comprendre comment tous les éléments de décor avaient été "collés" et avec quels types de matériaux. Là aussi, - puisqu’il ne leur était pas possible de faire un prélèvement direct sur un objet d’une telle valeur -, la spectrométrie de fluorescence des rayons X leur a permis d’identifier la présence de calcium, et donc l’usage de chaux, un ingrédient destiné à produire une pâte associée à une matière organique, pour servir d’adhésif. "Il fallait bien un substrat pour accrocher les décorations sur l’or", rappelle Philippe Walter. C’est ainsi que les incrustations en cornaline, en malachite et en lapis-lazulis ont été fixées sur le manche. Trois couleurs classiques présentes sur la plupart des joyaux de Toutankhamon. Trois couleurs pour un poignard tombé du ciel.

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