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Nature & environnement

Chez le lièvre à raquettes, le stress se transmet sur de multiples générations

Une mère lièvre chroniquement stressée donne des levrauts plus chétifs qui se reproduiront moins bien à leur tour et ainsi de suite jusqu’à six générations, montre une étude américaine.
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bébé lièvre américain
Dur dur d'être un bébé lièvre à raquettes (ou lièvre américain).
Jeff Werner

TRANSMISSION. Même lorsque le loup n’y est plus, la trouille perdure chez les lièvres d’Amérique Lepus americanus (ou "lièvres à raquettes") qui peuplent les forêts boréales du Canada et des Etats-Unis. Elle se transmet de génération en génération et pire, affecte concrètement et physiquement les mères, leurs levrauts, leurs petits-levrauts, etc. C’est ce que montre une étude de l’université de Pennsylvanie sur le stress maternel des hases américaines. Elle recoupe 60 ans de données couvrant six cycles d’expansion et de récession de la population de ces "lièvres à raquettes" connus pour laisser de larges traces dans la neige.

L'épigénétique du stress

Car la course à la survie est rude pour ces rongeurs nordiques : quand les conditions environnementales sont bonnes, ils pullulent, doublant leur population chaque année… Mais cela entraîne une augmentation du nombre de prédateurs, lynx, coyotes ou renards alléchés par le grand nombre de proies. Une fois la population de lièvres quasi exterminée, leurs attaquants disparaissent à leur tour et ainsi de suite. Le cycle dure de 8 à 10 ans… entrecoupé de mystérieuses périodes de "stagnation" qui peuvent durer de deux à cinq ans.

"Une fois que les prédateurs ont disparu, la population de lièvres ne repart pas immédiatement, raconte l’écologue Michael Sheriff, de l’université d’Etat de Pennsylvanie. Et ce, même quand la nourriture se fait abondante, même lorsqu’il y a des partenaires pour se reproduire".  Jusqu’alors, les chercheurs peinaient à expliquer ces stagnations et leurs durées variables. "La raison pourrait être épigénétique", assure aujourd’hui Michael Sheriff après avoir épluché les données sur les populations de rongeurs de l'Alberta et du Yukon (une province de l’ouest et un territoire du nord du Canada) entre 1961 et 2013. 

HORMONES. De précédentes recherches ont déjà suggéré que le stress pouvait affecter les générations futures, y compris chez les humains. Des expériences en laboratoire ont également montré que des pères souris traumatisés pouvaient transmettre leurs troubles du comportement à leur progéniture, via leur sperme. Cette fois, les travaux, couplés à de précédentes mesures de terrain montrent comment les mères lièvres transmettent leur stress à leur petits qui le transmettent à leur tour et ce jusqu'à six générations. Explications : les mères chroniquement stressées, dotées d'un fort taux d’hormones de stress (ou cortisol) donnent naissance à moins de jeunes, et ces levrauts, plus rares, sont aussi plus chétifs. Exposés in utero à l'hormone, cette progéniture a elle-même un taux élevé de cortisol et développe un système de réponse au stress plus réactif, plus sensible… (ce qui l’incite certainement à détaler comme un lapin à la moindre menace).

Un lien formel entre la sévérité d’un événement stressant et la durée pendant laquelle ce stress peut être hérité

Malheureusement, selon Mickael Sheriff, "cela perturbe à terme les hormones qui régulent la reproduction et les comportements sexuels de l’espèce peuvent également en être affectés". C’est la première fois que des scientifiques montrent un lien entre la sévérité d’un événement stressant et la durée pendant laquelle ce stress peut être hérité. "Plus le risque de prédation a été sévère, plus l’effet générationnel est long et plus les nouvelles générations sont endommagées", explique l'écologue. Selon lui, même quand un facteur de stress a disparu (des prédateurs), même lorsque l’exposition à ce facteur a été courte (comme lors d'un incendie par exemple), sa signature "hormonale" peut persister plusieurs générations. Et de conclure : "Un animal peut ne pas savoir ce qui est arrivé à ses grands-parents, mais l'histoire de ces derniers est d’une certaine façon inscrite dans son corps."

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