Partager
Sexualité

Les rapports sexuels servent-ils à quelque chose, à part se reproduire ?

"A quoi servent les rapports sexuels, hormis à se reproduire ?", nous demande un lecteur sur notre page Facebook. C'est notre question de lecteur de la semaine.

1 réaction
Couple souriant devant un test de grossesse positif.

Couple souriant devant un test de grossesse positif.

Anne-Sophie Bost / AltoPress / PhotoAlto via AFP

"A quoi servent les rapports sexuels, hormis à se reproduire ?", nous demande Sédar Senghor sur notre page Facebook. C'est notre question de lecteur de la semaine. Pour y répondre, (re)découvrez ci-dessous notre interview sur ce sujet avec Thierry Lodé, professeur d'écologie évolutive à l'Université de Rennes 1, publiée initialement dans le magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°208 daté janvier/ mars 2022. Thierry Lodé explique notamment que les rapports sexuels apportent du plaisir, qui joue un rôle dans la régulation de la vie sociale.

"La reproduction n'a nul besoin d'orgasme et la satisfaction sexuelle nul besoin de la reproduction"

Sciences et Avenir : À quel moment le plaisir est-il survenu dans l'histoire de la vie ?

Thierry Lodé : Pour l'établir, il faut s'intéresser à la définition de l'orgasme, une manifestation organique qui peut être recherchée par l'expérience du plaisir sexuel. Dans les années 1970, on a découvert que le macaque l'éprouvait, pour s'apercevoir ensuite que de nombreux vertébrés sont dotés de la capacité physiologique de l'atteindre !

Chez l'être humain, l'orgasme est associé à l'éjaculation ou l'expulsion de fluides, aux contractions musculaires rythmiques des muscles périnéaux, à la rétraction du clitoris, aux constrictions saccadées du périnée et du vagin. Mais un indice majeur, pour comprendre son origine, est qu'il s'accompagne d'une décharge neuronale, avec sa bouffée de neurohormones : endorphines, dopamines, ocytocine… Il s'exprime comme le point culminant de l'excitation sexuelle, activant le circuit nerveux de la récompense. Il s'est donc certainement installé avec ou juste après l'invention du système nerveux, au Cambrien, il y a 540 millions d'années environ.

L'orgasme aurait-il un avantage évolutif ?

La reproduction n'a nul besoin d'orgasme et la satisfaction sexuelle nul besoin de la reproduction… L'allégation selon laquelle l'orgasme féminin contribue à favoriser la procréation reste très controversée, car il ne semble pas jouer un rôle actif dans le transport des spermatozoïdes pendant le coït, et pourrait même le contrarier. Par ailleurs, la multiplication des copulations et des comportements de séduction chez la plupart des espèces - y compris de la part des femelles - semble réfuter le fait qu'il ait pour fonction de renforcer les liens amoureux. Il est donc difficile d'en comprendre l'intérêt sélectif.

Mais l'on sait que les sens - l'odorat, le goût, le toucher - aident à choisir un partenaire sexuel différent de soi, compatible sur un plan immunitaire et renforçant l'hétérogénéité du génome. En outre, la fécondation interne, mode de reproduction apparu il y a 300 millions d'années, a réduit considérablement la progéniture au fur et à mesure des innovations évolutives. Tandis que la morue disperse des millions d'œufs, la grenouille n'en pond que quelques centaines et la biche ne met bas qu'un seul faon. La persistance de l'orgasme découle de cette réduction drastique : en associant le plaisir à l'acte reproducteur, les espèces l'ont compensée par une multiplication des accouplements. Le léopard peut ainsi s'accoupler 150 fois en une seule journée.

"Le plaisir joue un rôle dans la régulation de la vie sociale"

En quoi constitue-t-il un moteur de l'évolution ?

Le sexe reste de loin la plus mauvaise solution à la reproduction, privilégiée avant tout parce qu'elle permet un brassage génétique et qu'elle s'est imposée durablement dans les corps par l'extase. Le plaisir est contenu dans un flot de molécules qui inondent les circuits nerveux, provoquent des émotions et jouent une partition nuancée dans le désir et le sentiment. En diffusant le plaisir émotionnel et sensoriel, le cerveau est ainsi devenu le premier organe sexuel.

À une échelle plus large, le plaisir joue un rôle dans la régulation de la vie sociale, comme le montre le soin apporté à l'autre, par exemple le toilettage chez les primates. La quête secrète du bien-être général mêle les gradients du plaisir et de l'érotisme à toute l'évolution. De quoi étayer un paradigme alternatif à celui de Darwin, celui de l'écologie évolutive : le moteur de l'évolution réside dans la force structurante des interactions. Plus qu'un produit de l'évolution, le plaisir en est l'un des principaux propulseurs.

1 réaction 1 réaction
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications