Les chenilles processionnaires prolifèrent partout en France : doit-on s'en inquiéter ?

Les chenilles processionnaires du pin et du chêne sont désormais présentes, à elles deux, sur tout le territoire métropolitain. Des précautions sont à prendre.

Les chenilles processionnaires sont toujours conduites par une femelle.
Entre janvier et mai chaque année, les chenilles processionnaires des pins descendent des arbres pour aller s’enterrer dans la terre. (©Le Publicateur Libre)
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Vous avez peut-être déjà croisé leur route si vous êtes allé récemment vous balader en forêt, à la campagne, dans un parc ou si vivez à proximité d’un espace arboré. Les chenilles processionnaires du pin ont bel et bien commencé à descendre à la queue leu leu des arbres.

Rien d’anormal dans le cycle de vie de ces chenilles, qui vont s’enterrer dans le sol pour se changer ensuite en papillon. Mais cela signifie aussi qu’il faut prendre des précautions, que ce soit pour nous ou nos animaux domestiques.

Les chenilles processionnaires du pin, ainsi que les processionnaires du chêne, sont en effet connues pour être (très) urticantes et peuvent même présenter de réels dangers pour la santé en cas de contact. D’autant qu’au fil des années, elles se sont implantées sur la quasi-totalité du territoire métropolitain.

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Les chenilles processionnaires : elles sont presque partout

C’est un constat dressé par l’Observatoire des chenilles processionnaires, en partenariat avec le réseau national Fredon France : la processionnaire des pins est désormais présente partout dans l’Hexagone – à l’exception de quelques départements du quart nord-est.

Notre carte ci-dessous, basée sur les données 2007-2022 de l’Observatoire, montre ainsi qu’il n’y a pas eu d’ « observation de la processionnaire du pin » dans la Seine-Maritime, la Somme, le Pas-de-Calais, les Ardennes, la Moselle, la Meurthe-et-Moselle, le Haut-Rhin, les Vosges, la Haute-Saône, le territoire de Belfort et le Doubs.

Si la carte ne s'affiche pas correctement, vous pouvez la consulter en cliquant ici.

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La chenille processionnaire du chêne, elle, est également implantée dans la majorité de la France. Les données 2007-2022 l'excluent de 17 départements (dont la Corse) sur les 101 départements au total – ce qui signifie que cet insecte est présent dans 94 départements.

On la retrouve ainsi dans toute la moitié nord du pays, dans la plus grande portion du Sud-Ouest, mais moins dans la région des Alpes. C'est ce que montre notre seconde carte ci-dessous, toujours basée sur les informations de l'Observatoire.

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En résumé, il n'y a aujourd'hui plus un département qui échappe soit à la processionnaire du pin, soit à la processionnaire du chêne – quand ce ne sont pas les deux qui sont présentes en même temps.

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L'action humaine, la cause principale

Si pour vous les processionnaires du pin étaient plutôt synonyme du sud de la France, fort est de constater que la réalité est tout autre et que ces chenilles, comme la processionnaire du chêne, se sont étendues sur la grande majorité du territoire. Comment expliquer une telle expansion ?

"Ces chenilles ont gagné du terrain, car favorisées par l'activité humaine. On a planté de plus en plus de pins au nord de la France et ces insectes en ont profité", explique à actu.fr Alexis Borges, entomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie).

Les chenilles processionnaires du pin construisent des nids de soies aux extrémités des branches de pins et de cèdres, dont elles se nourrissent des aiguilles.
Les chenilles processionnaires du pin construisent des nids de soies aux extrémités des branches de pins et de cèdres, dont elles se nourrissent des aiguilles. (©Observatoire des chenilles processionnaires – FREDON France)

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C'est pourquoi, petit à petit, la processionnaire du pin est montée "au-dessus d'un axe entre la Bretagne et l'Île-de-France". Des régions où il y avait naturellement moins de pins et de cèdres, mais que l'Homme a planté au fil de sa propre implantation.

On trouve même des chenilles processionnaires du pin jusque dans les Hauts-de-France aujourd'hui, dans le département du Nord. En plantant des arbres, l'Homme a logiquement déplacé la chenille processionnaire.

Alexis BorgesEntomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)

Des insectes fidèles à leurs arbres hôtes

Quand les femelles chenilles processionnaires cherchent une plante hôte sur laquelle s'installer, elles privilégient des arbres isolés "donc souvent en lisière des forêts, dans les parcs ou encore au fond des jardins", explique à actu.fr Alexis Borges, entomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie).
Elles sont en plus très fidèles à leur arbre hôte (pin ou cèdre pour la processionnaire du pin, chêne pour la processionnaire du chêne). "Même si poussent des jeunes chênes naissants, elles préféreront leurs grands chênes, plus vieux et plus grands", ajoute Alexis Borges.

Et la chenille processionnaire s'est acclimatée aussi bien en campagne qu'en zone urbaine, y compris en région francilienne. "Entre la campagne et le noyau de l'Île-de-France, il y a parfois 5°C de différence – l'intramuros et plus chaud en raison de l'activité urbaine. Les processionnaires profitent des milieux pavillonnaires", ajoute Alexis Borges.

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Le réchauffement climatique a-t-il un impact ? 

En plus de l'activité humaine, on peut citer un autre facteur justifiant l'expansion des chenilles sur le territoire : le réchauffement climatique.

Les températures hivernales douces, à l'image de notre mois de janvier 2024, favorisent l’éclosion des œufs et la croissance des larves, rappelait à actu.fr il y a quelques mois Sandra Sinno-Tellier, médecin de santé publique spécialisée en épidémiologie et en toxicologie à l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

L’expansion de l'aire de répartition des processionnaires du pin compte d'ailleurs parmi les biomarqueurs du changement climatique retenus par l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), soulignait encore la scientifique.

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Des chenilles pas spécialement plus nombreuses

En revanche, il est faux de penser que le réchauffement climatique est responsable d'une prolifération des chenilles processionnaires. "On pourrait avoir le sentiment qu'il y en a davantage, mais c'est qu'elles sont plus largement présentes sur le territoire", opine Alexis Borges.

Le réchauffement climatique n'entraine pas une hausse de leur cycle de vie. La particularité de ces chenilles, c'est qu'elles n'ont qu'une génération par an. Même dans les pays les plus chauds, on n'observe qu'une seule chenille puis un seul papillon chaque année, pas plus.

Alexis BorgesEntomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)
La chenille processionnaire du pin présente une couleur brun-rouge-jaune caractéristique et peut atteindre jusqu'à 4 cm de long.
La chenille processionnaire du pin s'est acclimatée aussi bien en campagne qu'en zone urbaine, y compris en région francilienne. (©Observatoire des chenilles processionnaires – FREDON France)

Les chenilles processionnaires font de toute façon partie "d'un réseau trophique, avec des prédateurs et des virus qui vont les réguler et donc empêcher leur prolifération", poursuit l'entomologiste. Les rôles de ces chenilles sont également bien définis.

Elles mangent les feuilles fraîcheurs et les aiguilles, puis leurs déjections servent à enrichir les sols. Elles régulent aussi la prolifération d'une même plante et assurent par conséquent la diversité de la flore. En tant que proie, elles nourrissent des prédateurs comme les reptiles, les oiseaux, les araignées, les mille-pattes ou encore les hérissons.

Alexis BorgesEntomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)

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Des chenilles pas plus précoces non plus

Les chenilles processionnaires du pin ne sont pas non plus spécialement précoces d'année en année. Les défilés de ces chenilles (les processionnaires du chêne restent dans leurs nids pour se transformer en papillons) s'étalent de janvier à mai, mais les processions diffèrent selon les régions d'implantation.

Les descentes sont les plus massives en février-mars en zone méditerranéenne et mars-avril pour le nord de la France.

Observatoire des chenilles processionnaires
La chenille processionnaire du chêne se repère par sa taille de quelques millimètres, ses longs
La chenille processionnaire du chêne se repère par sa taille de quelques millimètres, ses longs "poils" lui donnant un aspect gris argenté et sa couleur jaunâtre. (©DGAL / Observatoire des chenilles processionnaires – FREDON France)

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"Les chenilles processionnaires sont calquées sur la phénologie du végétal. Pour l'instant, elles sont en phase, leur cycle n'est pas décalé », complète Alexis Borges. Il est possible que, d'année en années, "elles grappillent quelques jours", mais on observera plutôt localement une arrivée précoce.

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    Ça a été le cas cette année dans plusieurs communes, en raison des "températures relativement douces de l’automne et du début de l’hiver", appuie de son côté l'Observatoire des chenilles processionnaires.

    [La] vitesse de développement dépend de la température. Cette année, les conditions rencontrées dans certaines zones ont donc sans doute permis aux chenilles de se développer suffisamment pour qu’elles atteignent dès la fin de l’automne le stade larvaire leur permettant de démarrer leur procession pour s’enfouir dans le sol.

    Observatoire des chenilles processionnaires

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    Cette année s'annonce toutefois assez "prolifique", au regard des nids "que l'on a pu observer se former à la fin de l'automne", conclut l'entomologiste à l'Opie. Et les vagues de froid n'y feront rien.

    Les processionnaires vont se mettre en pause là où elles sont installées, mais ça ne va pas les tuer.

    Alexis BorgesEntomologiste à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)

    Faites donc bien attention si vous allez vous balader à proximité des arbres en ce moment – les poils urticants des chenilles processionnaires restent dangereux pour la santé.

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