La CIA investit dans la recherche pour ressusciter les mammouths

La CIA investit dans la recherche pour ressusciter les mammouths
Image d'illustration © Anonyme

Un fonds de capital-investissement créé par la CIA, In-Q-Tel, vient d’investir discrètement dans une entreprise de biotechnologie baptisée Colossal Biosciences, dont l’ambition est de faire revenir d’entre les morts « certaines espèces disparues comme le mammouth laineux ». Objectif : « relancer le rythme cardiaque ancestral de la nature » grâce à la combinaison de « la science de la génétique et du business de la découverte ».

Un nouvel entrant dans la course à la « réapparition » d’espèces disparues. Après Neuralink, la société technologique d’Elon Musk qui prétend « avoir les moyens technologiques de bâtir un vrai Jurassic Park en 15 ans » (selon les dires de son cofondateur Max Hodak, qui précisait sur son compte Twitter en 2021 : « Ça ne serait pas forcément d’authentiques dinosaures, mais pourquoi pas ? »), la très célèbre Central Intelligence Agency (CIA), principale agence de renseignement américaine, a franchi un pas inédit en matière de recherche génétique. Selon le média d’investigation The Intercept, celle-ci vient en effet d’investir dans une société de biotechnologie baptisée Colossal Biosciences, dont l’ambition est de faire revenir d’entre les morts « certaines espèces disparues comme le mammouth laineux ».

Intérêt « accru » pour la biotechnologie

Dans le détail, les deux cofondateurs de Colossal Biosciences, George Church et Ben Lamm, ont déjà « accumulé une liste impressionnante de bailleurs de fonds et d'investisseurs de premier plan, dont Peter Thiel, Anthony Robbins, Paris Hilton ou encore les frères Winklevoss ». 

Mais c’est la présence de la CIA sur un registre public de l’entreprise publié il y a quelques semaines qui a attiré l’œil de The Intercept. Présence d’ailleurs indirecte, puisque ce n’est pas l’agence de renseignement qui est directement mentionnée mais In-Q-Tel, un discret fonds de capital-investissement à but non lucratif créé et géré par la CIA, sorte de « filiale » de cette dernière.

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Capture d'écran du site Colossal Biosciences © Colossal Biosciences

Sur le papier, l’objectif de In-Q-Tel est de « financer des startups technologiques susceptibles de protéger la sécurité nationale ». Mais depuis quelque temps, « en plus de son intérêt de longue date pour les technologies de renseignement et d’armement, la firme manifeste une attention de plus en plus accrue pour la biotechnologie, et en particulier le séquençage de l’ADN », écrit The Intercept dans ses révélations datées du 28 septembre. D’où cet investissement dans le portefeuille de Colossal Biosciences, qui découlerait moins d’un intérêt pour la réapparition des mammouths eux-mêmes que pour « les compétences » que ces recherches permettent d’acquérir. C’est du moins ce que déclare Ben Lamm, le cofondateur de Colossal, dans un mail adressé à The Intercept. « La biotechnologie et la bioéconomie au sens large sont essentielles pour que l’humanité se développe davantage. Il est important que toutes les branches de notre gouvernement les développent et comprennent ce qui est possible », assume-t-il poliment.

« Relancer le rythme cardiaque ancestral de la nature »

Sur son site, la société promet pourtant très clairement de « relancer le rythme cardiaque ancestral de la nature » grâce à la combinaison de « la science de la génétique et du business de la découverte ». En plus du mammouth géant de l’ère glaciaire, Colossal a annoncé cet été vouloir ressusciter le thylacine, ou tigre de Tasmanie, dont la disparition avait été causée par une pratique excessive de la chasse, au début du XXème siècle. Pour ce faire, Colossal prévoit d’utiliser la désormais célèbre technologie CRISPR, un outil de manipulation du génome permettant d’effectuer des mutations ciblées. Un peu comme on construit un Lego, il pourrait par exemple s’agir de « séquencer le génome d’un animal disparu, puis d’insérer des bouts de son ADN dans le génome d’une espèce encore en vie. Faire du vieux avec du neuf, en somme », exposions-nous déjà sur notre site en 2016.

Ressusciter certaines espèces disparues comme le mammouth, bonne ou mauvaise idée ?

Détail qui a son importance, Colossal répète à longueur de conférences qu’un tel « réensauvagement » permettra d’aider à « inverser les effets du dérèglement climatique en ayant un effet positif sur la compensation carbone ». Un argument similaire à celui de George Church, professeur de génétique à la faculté de médecine de Harvard, qui prévoyait dès 2015 d’envoyer en Sibérie des éléphants d’Asie modifiés génétiquement pour être dotés d’une résistance au froid comparable à celle du mammouth laineux. L’objectif affiché était alors de ralentir la fonte de la toundra (les éléphants ayant une influence sur la température du sol), qui risquait, disait-il, «  de libérer autant de CO2 que si on brûlait deux fois toutes les forêts du monde ». Sept ans plus tard, toujours aucun signe de mammouth ni d’éléphant à l’horizon de l’Arctique. Pendant ce temps, la toundra, elle, est bel et bien en train de disparaître de la surface de la Terre.