SERIEPourquoi les scènes de sexe sont si importantes dans « Fellow Travelers »

« Fellow Travelers » : Pourquoi les scènes de sexe sont si importantes dans cette série

SERIEDisponible sur MyCanal, « Fellow Travelers » raconte une histoire d’amour contrariée entre deux gays sur trois décennies. Les huit épisodes comptent plusieurs scènes de sexe. Qui n’ont rien de gratuites, assurent ses créateurs. Explications
Jonathan Bailey et Matt Bomer, dans une scène marquante du premier épisode de « Fellow Travelers ».
Jonathan Bailey et Matt Bomer, dans une scène marquante du premier épisode de « Fellow Travelers ». - Showtime  / IMDB
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • La série Fellow Travelers est disponible sur MyCanal. Le deuxième épisode sera diffusé jeudi à 22h38 sur Canal+.
  • Les premiers épisodes se déroulent majoritairement durant les années 1950, une décennie marquée par les politiques répressives à l’égard des personnes LGBT. Les deux personnages principaux, incarnés par Jonathan Bailey et Matt Bomer, sont homosexuels et vivent une histoire d’amour en pointillé. Les scènes de sexe entre eux sont assez marquantes.
  • « Il est toujours très important pour moi que les scènes de sexe ne soient pas gratuites, a souligné Daniel Minahan, réalisateur des deux premiers épisodes, aux LA Times. Elles doivent survenir parce que l’histoire l’exige. »

Chaleur en pleine guerre froide. La scène se passe dans une chambre. Nous sommes dans les années 1950, à Washington, en pleine « chasse aux sorcières » envers les communistes et les homosexuels.

Hawkins Fuller, quadra tiré à quatre épingles, travaille au State Department, l’équivalent du ministère des Affaires étrangères. Il est assis dans un fauteuil, en caleçon. Agenouillé face à lui, Tim Laughlin, de dix ans son cadet, catho idéaliste et salarié du Congrès, s’apprête à lui faire une fellation. Hawkins retarde le moment, fait basculer son amant en arrière d’un geste de la main, pose son pied droit sur son partenaire légèrement décontenancé. Mais son trouble est furtif. Tim saisit le mollet de son « dominateur », ôte sa chaussette, lèche le pied, suce son gros orteil et poursuit à pleine bouche, comme affamé.

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« Alors, qu’est-ce qu’il veut mon garçon ? », demande Hawkins, donnant le signal qu’il est temps de s’occuper de son entrejambe - son partenaire obéit sans se faire prier. « Il veut aller à cette réception avec mon odeur sur lui ? C’est ça ? Il veut parler aux Kennedy et aux Graham avec mon goût sur la langue ? », poursuit le cravaté, qui ne tarde pas à jouir. La scène s’arrête ici et la séquence suivante montre Tim arriver à ladite réception, où il aperçoit Hawkins de loin, retourné à sa vie « hétérosexuelle ».

« Je n’avais jamais lu quelque chose comme ça dans un scénario avant »

Cet extrait illustre ce qui se noue dans la série Fellow Travelers, lancée jeudi en deuxième partie de soirée sur Canal+ et disponible en intégralité sur MyCanal. Une histoire d’amour entre deux hommes, vécue en pointillé, durant trois décennies. Le roman du même titre de Thomas Mallon, dont elle est librement adaptée, se limite, elle, aux années 1950. Soit l’époque du maccarthysme et de la « peur violette » synonyme de persécution des gays et des lesbiennes dont nombre ont perdu leur emploi et leurs attaches quand le désespoir ne les a pas poussés directement au suicide. Il y est aussi question de construction de soi, de quête d’identité, du fait d’assumer, ou non, son homosexualité.

Et il y a des scènes de sexe. Marquantes. Elles sont loin d’être obscènes – la série est déconseillée aux moins de 12 ans. Mais elles ne correspondent pas vraiment à ce à quoi le grand public est habitué. Leur charge érotique est indéniable. « Je n’avais jamais lu quelque chose comme ça dans un scénario avant », a d’ailleurs confié Matt Bomer, qui incarne Hawkins, à Entertainment Weekly.

« Il est toujours très important pour moi que les scènes de sexe ne soient pas gratuites, qu’elles aient un début, un milieu et une fin, souligne Daniel Minahan, réalisateur des deux premiers épisodes, aux LA Times. On avait un principe : faire en sorte que toutes ces scènes soient un échange de pouvoir. » Et de rappeler : « Une scène de sexe n’est pas là juste pour vous titiller ou vous choquer ou pour vous épater en vous montrant comme on est audacieux. Elle doit survenir parce que l’histoire l’exige. »

« Rafraîchissant à jouer et à voir »

« Il n’y avait aucune intention de pousser les limites ou d’être salaces, a déclaré Rob Rogers, le producteur exécutif à Variety. Il s’agissait de rester en phase avec ce que ça implique de faire attention à chaque décision que l’on prend, aux secrets que l’on garde, à ce qu’on cache au plus grand nombre, et qui fait que, quand on vit enfin un moment aussi intime, le sexe peut être incroyablement passionné ou agressif ou tendre ou très émotionnel - parce que vous devez protéger tous les autres aspects de votre vie ».

La sexualité est aussi l’une des facettes des personnages et est traitée comme telle dans ce qu’elle peut dire d’eux. « Le sexe est primordial pour Hawkins Fuller, explique le showrunner et scénariste Ron Nyswaner au LA Times. Ce qui fait son charme et son pouvoir, c’est qu’il peut continuer, en cette période très répressive, de faire du sexe. Il va protéger cela à tout prix parce que c’est sa source de joie. »

« Hawkins a une façade publique qui lui est nécessaire pour survivre et évoluer dans son monde. Mais en dessous de ça il a un côté "je vous emmerde" », appuie Matt Bomer sur la capacité de son personnage à « se foutre » de certaines choses. « Pour moi, c’était rafraîchissant à jouer, mais ça l’est aussi à voir, non que toutes les relations intimes gays soient comme ça, mais dans le fait qu’un aspect du sexe gay soit montré d’une manière aussi authentique et sans se cacher les yeux », complète-t-il dans un article du site EW.

« Ne pas romantiser l’oppression »

Ron Nyswaner ne dit pas le contraire quand il affirme à Men’s Health avoir pris garde à « ne pas romantiser l’oppression » car « il y a aussi quelque chose de très stimulant dans le fait d’avoir un comportement hors-la-loi [au regard de la répression homophobe]. Ça hausse le degré d’excitation, en un sens. »

Un grand nombre de personnes impliquées dans le processus créatif de Fellow Travelers sont des hommes gays. Quand le magazine masculin lui demande si le fait d’avoir des acteurs principaux homos - qui savent ce que c’est qu’adapter son attitude selon que l’on est en public ou en privé - a aidé à construire les scènes de sexe, Ron Nyswaner répond oui. « Je pense que, pour la plupart des hommes homosexuels, il y a une période où ils doivent décider quand s’identifier d’une manière qui pourrait décevoir les gens, les contrarier ou les mettre mal à l’aise, développe-t-il. C’est plus facile de nos jours. […] Mais je pense que le vécu [des acteurs] nourrit la série. »

« Une conversation avec leurs corps »

Jonathan Bailey, qui interprète Tim, dit à Collider avoir été « au diapason » avec Matt Bomer, sur la manière dont l’intimité de leurs personnages s’appuie sur le « eye contacts » (les regards) et « l’évolution des dynamiques de pouvoirs ». « C’est une conversation avec leurs corps », ajoute-t-il.

Avant d’accepter de réaliser deux épisodes de Fellow Travelers, Uta Briesewitz, qui est une femme hétérosexuelle, a contacté un ami gay au sujet de ces scènes qu’elle qualifie « d’explicites, honnêtes et courageuses ». « Il a répondu oui avec enthousiasme. A son ton, je sentais qu’il y avait quelque chose de nécessaire dans ces scènes. J’étais emballée à l’idée de participer à ce projet sans me détourner de ce que signifie deux hommes qui s’aiment passionnément », a-t-elle raconté au LA Times.

On lui doit notamment la mise en image d’une scène où Tim et Hawkins dansent, nus, l’un contre l’autre, dans l’intimité d’une chambre alors que le soleil se couche. « Bien sûr, c’est sexy, parce qu’ils sont tous les deux charmants et que la scène est joliment éclairée. Mais ils doivent partager ce moment dans un appartement. Je me suis mis à penser à tous les hommes et à toutes les femmes qui ont dû vivre ça, qui ne pouvaient pas aller en couple au bal de promo ou avoir un premier rendez-vous ordinaire en extérieurs, confie Rob Rogers au quotidien californien. J’espère que le public comprendra. Le sexe est très réaliste mais c’est universel, des gens qui veulent juste passer du temps avec la personne qu’ils aiment. »

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