Côte-d'Or - Culture Dijon : ils croquent la ville à pleines dents

Le festival de BD d’Angoulême est terminé. L’occasion de faire la lumière sur deux dessinateurs dijonnais qui cartonnent sur le web : Patrick Carlier et Pierre Roussel. Ils aiment leur ville et le font savoir grâce à un bout de feuille, leur crayon de papier et un blog Internet.
Marie morlot - 05 févr. 2015 à 05:00 | mis à jour le 05 févr. 2015 à 07:00 - Temps de lecture :
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Dijonpolitain : le nom de son blog (1) , déjà, nous met sur la voie. Mixer le nom Dijon avec le métropolitain, une des effigies des plus connues de la capitale française. « Ça représente bien l’idée de mes dessins : mélanger ma nostalgie de Paris avec ce que je découvre à Dijon », entame Patrick Carlier, débarqué dans la cité des ducs « pour suivre sa femme » en août dernier.

Sur ses croquis à deux volets, on voit, à gauche, des symboles locaux se confronter aux grandes icônes des Parisiens. On peut y découvrir un Velodi dijonnais clinquant faire face à un Vélib (vélo en libre-service parisien) “déglingué” et renversé à terre. Dans une autre image, on voit des toits à la bourguignonne en tuiles plates briller aux côtés des toits verdis de mousse de grands immeubles haussmaniens.

Esquisser sa ville d’adoption

« Le Parisien type, moi le premier lorsque j’y habitais, critique toujours la province. Ces illustrations prouvent qu’en réalité, à Dijon, il y a des choses magnifiques », reconnaît notre interlocuteur. De « belles choses », mais aussi de « vraies ressemblances » entre ces deux villes « cousines », ­assure Patrick. Lorsqu’il représente la porte Guillaume, puis l’Arc de triomphe, la similitude est frappante. Lorsqu’il dessine la gavroche d’Yves Jamait puis le bandana du chanteur Renaud, le message est clair. « Je me suis un peu inspiré de l’ouvrage Paris versus New York , un best-seller de Vahram Muratyan », confie notre interlocuteur. Si le bouquin de Muratyan est très graphique, les pastilles de Patrick, elles, sont plus travaillées, avec ses crayonnés aux lignes claires comme on dit dans le métier. Une fois par semaine, l’artiste prend « entre deux et trois heures » pour esquisser sa ville d’adoption. Sa première saison se terminera en août. « Je verrais ensuite si j’ai des idées pour en faire une seconde », glisse-t-il.

Le conseiller « ruchichipal »

À quelques pages Internet de là, on trouve le blog (2) de Pierre Roussel, l’enfant du pays. « Faut pas chercher pourquoi ça s’appelle Yap, c’était une sorte de code avec mon frère jumeau », prévient-il. Depuis 2008, le natif de Moloy met régulièrement en ligne des strips dans lesquels il se met en scène dans sa vie de tous les jours. « C’est beaucoup d’autodérision, des petites séquences inspirées de moments drôles », détaille Pierre. Les aventures de son personnage principal, au visage rondouillard et au corps dégingandé, se déroulent autour de places ou de rues dijonnaises, dans le tramway ou dans des boutiques. On reconnaît la place Darcy perdue dans les travaux, un buraliste de la rue de la Préfecture ou encore un maraîcher des Halles qui vend six pommes pour 1,20 €. À côté de lui, un vendeur de chez Apple, à la Toison d’Or, qui vend un téléphone griffé d’une pomme à 1 020 €. « J’aime beaucoup ma ville, c’est la plus belle du monde ! J’aime la parcourir, la regarder puis la dessiner. Je représente aussi souvent mon appartement », s’amuse le dessinateur, qui a un autre frère, plus âgé. Il s’appelle “Boulet”, et est auteur de BD à succès. « C’est lui qui m’a donné goût au dessin, il m’a appris la perspective et m’a poussé à créer mon blog », glisse le ­cadet Roussel.

Bientôt en livre ?

Parfois, en privé, il croque des proches, des amis ou des élus locaux. Voilà comment il a transformé Benoît Bordat, conseiller municipal de Dijon Cap 21, défenseur de l’apiculture dijonnaise, en conseiller « ruchichipal » avec des ailes sur le dos et des collants rayés jaune et noir. Une autre fois, c’est Alain Houpert, conseiller municipal d’opposition, qui a été couché sur le papier. « C’était pour une publication dans un magazine, finalement ce n’est pas sorti », confie le trentenaire, architecte de profession. « David Lanaud du Gray veut aussi son personnage, mais je n’ai pas encore travaillé dessus », ajoute-t-il, précisant qu’il n’y avait pas « de message politique » dans sa ­démarche. Son engagement local, il le fait via l’office HLM Dijon Habitat avec qui il collabore depuis 2011. Il édite pour lui des affiches pour des résidences ou des carnets à destination des locataires. Pour le magazine Dijon Mag , il a également créé une petite série sur le tramway, lors de sa mise en service.

À quand, alors, une édition papier pour nos deux illustrateurs dijonnais ? « J’ai été approché, réalisé deux ou trois commandes, mais je ne suis pas auteur de BD. Au-delà de deux cases de narration, je panique », s’amuse Pierre, qui se contente donc, pour l’instant, de son journal Internet. Idem pour Patrick Carlier. Son Dijonpolitain n’aurait pas vocation à être imprimé. « Je fais ça uniquement pour m’amuser, et pour les partages Facebook ! », blague-t-il. Dommage, tous ces dessins auraient fière allure, dans les bibliothèques des Dijonnais, tous un peu chauvins.

1 http://dijonpolitain.canalblog.com/

2 http://yap-yap-yap-yap.blogspot.fr/. Facebook : https://fr-fr.facebook.com/pierre.roussel.984