Bart De Wever : "J'aime beaucoup Nicolas Sarkozy"
Dans une très longue interview réalisée pour la prochaine édition de la revue française "Politique internationale", le président de la N-VA Bart De Wever a accepté de se livrer. "La Libre" publie quelques extraits de cet entretien.
- Publié le 09-07-2011 à 15h33
Dans une très longue interview réalisée pour la prochaine édition de la revue française "Politique internationale", le président de la N-VA Bart De Wever a accepté de se livrer. "La Libre" publie quelques extraits de cet entretien. Celui-ci a été réalisé il y a deux semaines avec pour objectif d’expliquer la philosophie politique qui anime Bart De Wever.
Vous êtes issu d’une famille flamande modeste. Comment êtes-vous devenu ce que vous êtes ?
Sauf erreur, le président français, Nicolas Sarkozy, est lui aussi issu d’une famille modeste; mais à force de conviction, d’intelligence et de travail, il a su devenir le premier personnage de l’Etat. Personnellement, j’ai beaucoup d’admiration pour Cicéron - un homme qui ne comptait aucun patricien, aucun sénateur dans sa famille. De ce point de vue, nous sommes comparables ! La vraie explication de mon succès, c’est la démocratie. Le fait que j’aie pu parvenir à ce niveau prouve que la démocratie fonctionne. Mon avantage, c’est que je viens de la classe moyenne : je sais donc parfaitement comment celle-ci pense. Je connais la vie "normale" des gens, je ne suis pas le rejeton d’une famille qui livre des hommes politiques au pays depuis des générations ou qui aurait eu beaucoup d’argent.
A quand votre engagement nationaliste flamand remonte-t-il ?
Il m’est impossible de répondre à cette question. Certaines personnes peuvent dire précisément quand est née leur conscience politique; pas moi. Cet engagement a toujours été présent dans ma famille. Ma carte de membre du parti flamand - la Volksunie -, c’est mon père qui me l’a offerte à ma naissance ! A la maison, on ne parlait que de politique. On ne parlait même pas de football ! Vers l’âge de seize ans, je suis devenu militant actif du parti, mais je suis vraiment entré en politique après avoir terminé mes études universitaires.
A côté de votre militantisme nationaliste flamand, où vous situez-vous sur le spectre politique gauche/droite ?
Je suis très clairement au centre droit de l’échiquier politique et je me considère plutôt comme un conservateur. C’est un terme qui admet plusieurs définitions. Voici la mienne : j’entends par là que je ne me focalise pas sur l’individu ou sur l’Etat mais sur la société. Je crois en la force de la société et de la communauté. Je pense que l’on doit laisser le maximum de liberté aux gens, une liberté "saine" encadrée par la responsabilité vis-à-vis de la communauté. Comprenez-moi bien : je ne prône pas la liberté de faire n’importe quoi. Je pense que la force d’une société, ce sont tous les liens que les gens entretiennent librement entre eux - à travers la famille, l’école, le quartier, les associations Le réseau civil doit être très fort, et il n’incombe certainement pas à l’Etat de s’y substituer. Je suis totalement anti-étatiste ! Pour autant, je ne suis pas un libéral classique qui pense que l’individu est libre sans aucune limite. Je ne crois pas, comme les libéraux, que la juxtaposition d’individus libres donne une société heureuse. Un tel modèle ne fonctionne pas ! Sur le plan économique, je m’entends plutôt bien avec des gens qui sont des libéraux modérés. Pas des néolibéraux ni des ultralibéraux. En revanche, sur le plan de la société, je suis plutôt conservateur : une société doit produire des valeurs pour se déterminer. Mais ces valeurs doivent évoluer. Elles ne peuvent pas demeurer éternellement figées.
Y a-t-il des hommes et des femmes politiques que vous admirez particulièrement, en Belgique ou à l’étranger ?
Il y quelqu’un que j’admire beaucoup et qui, à mon avis, ne bénéficie pas toujours du respect qui lui est dû : c’est Gerhard Schröder. Il mérite une reconnaissance immense. C’est un socialiste qui a eu le courage de mener à bien les réformes nécessaires au redressement de l’Allemagne. Si l’Allemagne est aujourd’hui aussi forte, elle le doit aux mesures qu’il a prises. Il a profondément assaini la situation de son pays. Et l’électeur allemand ne l’a pas remercié Mais c’était un homme courageux, et je tiens à lui rendre hommage. En Belgique, je suis à la recherche de socialistes qui auraient la même vision et le même courage ! Des socialistes qui admettraient que, pour sauvegarder le système social et le bien-être de chacun, il faut créer de la prospérité avant de penser à la redistribuer. Car une chose est sûre : il faut réformer le marché du travail et diminuer la pression fiscale. Même si ce n’est pas toujours populaire
Y a-t-il des formations politiques à l’étranger dont vous vous sentez proche ?
Dans le monde francophone, je réponds sans hésiter : l’UMP de Nicolas Sarkozy. Si j’étais français, je militerais probablement au sein de cette formation. C’est un parti patriote qui croit encore à l’idée nationale et, surtout, qui veut donner à cette identité un sens positif - c’est-à-dire ni raciste ni exclusif. Je pense que c’est dans ce sens-là que nous devons aller. On ne doit pas laisser tomber l’identité. Au contraire, on doit la forger positivement, et c’est ce que l’UMP essaie de faire. En outre, sur le plan socio-économique, je suis plutôt favorable à leurs idées. Mais je me reconnais davantage dans le paysage politique français ou allemand, plus diversifié. Si j’avais vécu à Munich, j’aurais sans aucun doute milité pour la CSU. Je suis un peu jaloux de mes camarades de Bavière : là, si on gagne les élections, on peut immédiatement commencer à gérer les choses. Il en va de même en Grande-Bretagne : David Cameron a gagné les élections et, immédiatement, il a pu mettre son programme en œuvre. Ensuite, lors des élections suivantes, soit on est récompensé de sa gestion, soit on est sanctionné. C’est simple, c’est génial ! Ici, en Belgique, je gagne les élections et je ne peux rien faire. Je dois négocier. Je dois négocier jusqu’à la mort. C’est tellement compliqué !
Percevez-vous néanmoins une inquiétude européenne au sujet de l’avenir de la Belgique ?
Il n’y a pas d’inquiétude; il y a une ignorance de ce qui se passe chez nous. Je constate un manque d’intérêt de la part des autres Européens. Je ne suis pas sûr qu’ils veuillent vraiment comprendre la situation. Quand on commence à expliquer, après cinq minutes nous interlocuteurs nous répondent toujours : "On verra bien " On se dit aussi que la Belgique est un pays surréaliste où rien de vraiment mauvais ne se produit. Si on passe notre histoire en revue, on voit qu’on a traversé de nombreuses crises importantes et qu’on a toujours trouvé des solutions. Il est vrai que ce que nous traversons en ce moment n’est pas si unique que cela : durant la période de la "question royale", on parlait de "guerre civile", même si les gens l’ont oublié !
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