Mariani, retour à la case Paris
Quatre ans après avoir été appelé à la rescousse du groupe bancaire par Nicolas Sarkozy, le Français va quitter ses fonctions de CEO tout en gardant certaines responsabilités jusqu’à la fin de l’année.
- Publié le 29-07-2012 à 14h50
Pour Pierre Mariani, une page se tourne. Le conseil d’administration de Dexia, qui se tient jeudi prochain, doit confirmer son remplacement par Karel De Boeck et approuver les résultats du deuxième trimestre.
Quatre ans après avoir été appelé à la rescousse du groupe bancaire par Nicolas Sarkozy, le Français va quitter ses fonctions de CEO tout en gardant certaines responsabilités jusqu’à la fin de l’année. Il partira sans dire ce qu’il va faire
Cet ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy s’est très vite fait des ennemis en Belgique. D’abord à cause de son style tranché et autoritaire. Ensuite en s’entourant de quelques hommes de confiance quasi tous venus de Paris Ou encore en recourant aux services du consultant Bain à coût de dizaines voire de centaines de millions d’euros.
Sur la gestion en tant que telle, il n’aura pas réussi à sauver le groupe. C’est une évidence. Il est plus difficile d’affirmer que certains de ses choix n’ont pas empiré la situation. D’aucuns lui ont reproché d’avoir tardé à vendre la dette souveraine de l’Europe du Sud, en particulier celle de la Grèce. Comme beaucoup de patrons de banque, il n’aura pas vu venir la catastrophe. A cela, il a toujours répondu qu’il avait reçu l’injonction des autorités - de Christine Lagarde (alors ministre française des Finances) à Luc Coene (gouverneur de la Banque nationale de Belgique - de ne pas brader la dette souveraine. Il a préféré se défaire des actifs américains.
Sur les swaps de taux d’intérêt qui se sont avérés désastreux à cause de la baisse des taux allemands, il a toujours prétendu que cela aurait été ruineux de dénouer les positions en 2008-2009. C’est que le bilan de Dexia, qui dépassait les 600 milliards d’euros au moment de son arrivée, était un écheveau très compliqué à défaire. Et il n’a pas cru bon de remettre en cause cette politique de couverture de taux. Au contraire, il l’a poursuivie.
A sa décharge, il était aussi pris en tenaille par des actionnaires qui voulaient des dividendes à tout prix alors que la priorité aurait dû être la restructuration. Mais les avait-il bien prévenus de tous les dangers ? C’est la question que l’on peut aussi se poser à la lecture des rapports annuels qui, jusqu’en 2011, contenaient des messages assez rassurants. Jusqu’au bout, les actionnaires ne lui ont toutefois formulé aucun grief. Publiquement du moins.
L’aggravation de la crise de la dette souveraine, durant l’été 2011, aura été fatale au groupe, obligeant les Etats belge, français et luxembourgeois à apporter leur garantie et à nationaliser Dexia Banque Belgique (devenue Belfius). "Depuis ce moment-là, il n’y a plus d’unité. Toutes les décisions, qu’il s’agisse de la gouvernance ou de la stratégie, donnent lieu à des différences d’appréciation", commentent des anciens dirigeants. On a pu le constater avec la nomination chaotique de Karel De Boeck ou sur les commissions à payer pour les garanties. La Belgique voudrait des commissions élevées (500 millions d’euros par an dans la situation actuelle). Et cela afin de continuer à faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Pierre Mariani (qui a le soutien de la France) voulait les minimiser pour éviter ou retarder une éventuelle augmentation de capital que devraient faire les Etats. Tout cela sur fond de règlements de compte politiques belgo-belges où l’ex-ministre des Finances Didier Reynders a pris un malin plaisir à railler les tentatives (utopiques ?) de son successeur, Steven Vanackere, d’alléger le poids de ces garanties pour la Belgique. Et comme si cela ne suffisait pas, la Commission européenne, qui a eu un dialogue difficile avec M. Mariani, tarde à donner son feu vert au plan de liquidation. Ce qui bloque aussi la vente de la filiale Dexma, dédiée au financement des collectivités locales en France.
Dans cette cacophonie générale révélatrice de ce qui se passe dans l’Eurozone, Pierre Mariani a vendu, comme prévu au moment du démantèlement, certains actifs, dont la Denizbank en Turquie ou la BIL au Luxembourg. Il l’a fait mais souvent avec des pertes élevées, arguant à chaque fois que c’est un marché sans acheteur où les prix sont au plancher. Là aussi, il n’aura pas réussi à faire de miracle. Au moment de son départ, la banque "résiduelle" Dexia accumule des pertes colossales, comme devraient le confirmer les résultats qui seront publiés le 3 août.