Forcé à témoigner, Sarkozy persiste dans le silence : "N’y voyez ni rébellion, ni manque de respect"
Nicolas Sarkozy a refusé de répondre aux questions du tribunal. Il s’est réfugié derrière l’immunité présidentielle. L’ancien président, condamné à deux reprises, devrait éviter l’incarcération.
- Publié le 02-11-2021 à 21h13
- Mis à jour le 02-11-2021 à 21h14
Nicolas Sarkozy a refusé de répondre sur le fond, ce mardi au tribunal correctionnel de Paris, lors de son audition dans le cadre du procès des sondages de l’Élysée. Le tribunal avait contraint, par la force publique si nécessaire, l’ancien chef de l’État français (2007-2012) à témoigner. Cette décision était une première en France.
Appelé à la barre du tribunal qui juge, depuis deux semaines, plusieurs de ses anciens proches pour favoritisme et détournement de fonds publics, Nicolas Sarkozy est apparu à la fois serein et agacé. Protégé dans cette affaire par l'immunité présidentielle que lui confère la Constitution, il a affirmé qu'il a "toujours respecté l'institution judiciaire", mais il a estimé que sa convocation était "parfaitement anticonstitutionnelle" et "totalement disproportionnée". "Il y a un principe qui dépasse de beaucoup ma personne, c'est la séparation des pouvoirs. Élu président de la République, je n'ai pas à rendre compte de la composition de mon cabinet ou de la façon dont j'ai exercé mon mandat devant un tribunal."
Selon sa "lecture de la Constitution", l'ancien président a ainsi jugé qu'il n'avait "pas le droit" de répondre aux questions posées dans le cadre du procès.
Rien sur le fond, des piques pour la forme
Après sa déclaration liminaire qui donnait le ton, Nicolas Sarkozy n'a pas fléchi. Loin de là, même. À la première question du président du tribunal, le témoin a répliqué de manière cinglante. "Sans doute n'ai-je pas été assez clair, et je m'en excuse, a-t-il lâché avant d'ajouter. Je n'ai pas l'intention de violer la Constitution. N'y voyez ni rébellion, ni manque de respect."
S’en est suivi un véritable dialogue de sourds. Le président du tribunal a continué à interroger Nicolas Sarkozy qui lui a, presque à chaque fois, opposé le silence. Si l’avocat de l’association de lutte contre la corruption Anticor, à l’origine de l’affaire et partie civile, a bien tenté d’interroger le témoin, il a obtenu le même résultat : rien sur le fond, une pique pour la forme.
Le parquet et la défense ont alors choisi de ne pas insister. Le premier témoignage contraint d’un chef de l’État pour des faits commis pendant son mandat n’a pas duré une heure.
Couvert par l’immunité présidentielle, Nicolas Sarkozy ne risque pourtant rien dans l’affaire des sondages de l’Élysée puisqu’il ne peut être poursuivi. Cité comme témoin par Anticor, il avait décliné l’invitation avant l’ouverture du procès le 18 octobre. Il avait déjà refusé de s’expliquer lors de la phase d’instruction.
Comme cela n'a pas marché de gré, le tribunal est passé en force, le 19 octobre, en ordonnant la convocation de Nicolas Sarkozy comme témoin, avec un mandat d'amener. Il a considéré que cette audition était "nécessaire à la manifestation de la vérité" et qu'elle était "susceptible d'avoir une influence sur les faits reprochés aux prévenus".
Cette décision a aussitôt suscité le débat entre juristes sur son caractère constitutionnel. Mais mandat d’amener ou pas, le résultat est identique : Nicolas Sarkozy se mure dans le silence et n’apporte pas le moindre éclairage sur les responsabilités dans cette affaire.
"Sur instruction" de Nicolas Sarkozy
Le procès doit encore durer deux semaines. Sur le banc des prévenus, figurent, aux côtés de quatre instituts de sondage, cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy, dont l’ex-secrétaire général de la présidence Claude Guéant et son ancien conseiller Patrick Buisson. Ils comparaissent notamment pour favoritisme, recel de ce délit et détournement de fonds publics, en lien avec des contrats de conseil et de sondages entre 2007 et 2012.
Durant le quinquennat Sarkozy, quelque 7,5 millions d’euros d’argent public ont été dépensés pour des enquêtes d’opinion et des sondages en tous genres. Ils avaient trait à la popularité du Président, à ses réformes ou à des questions d’actualité, mais également à ses rivaux ou à l’image de son épouse Carla Bruni. Le problème n’est pas tant l’objet de ces sondages, mais le fait qu’ils ont été réalisés sans publicité ni appel d’offres.
Durant les deux premières semaines d'audiences, les prévenus ont soutenu que l'Élysée n'avait jamais, depuis 1958, souscrit aux règles de la commande publique avant de commencer à rectifier le tir lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. "On m'avait dit que l'Élysée échappait au droit commun de la gestion publique", a déclaré Claude Guéant.
Les accusés ont, en outre, affirmé qu’une mise en concurrence aurait été impossible dans la mesure où les conseillers avaient été "choisis" et les contrats signés "sur instruction" de Nicolas Sarkozy.