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L'US Army peine à trouver des soldats pour l'Irak

Niedringhaus / AP

EN ANNONÇANT l'extension des rotations en Irak et en Afghanistan de douze à quinze mois, Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, a expliqué son dilemme : la seule autre solution aurait été...

EN ANNONÇANT l'extension des rotations en Irak et en Afghanistan de douze à quinze mois, Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, a expliqué son dilemme : la seule autre solution aurait été de raccourcir le répit d'un an des soldats auprès de leurs familles entre deux missions. « C'est une décision difficile, mais nécessaire et provisoire, a soutenu le ministre. Nos forces sont à la limite de leurs capacités, pas question de le nier. »
La mesure a été accueillie par un grognement collectif de la troupe, exprimé dans des contacts avec leurs proches ou les médias. « Je n'en pouvais plus même avant d'apprendre la nouvelle », a déclaré au New York Times le sergent Shawn Miller. « Ce sera un autre Noël sans mon mari et c'est dur avec de jeunes enfants », dit Mindy Shanahan, épouse d'un colonel parti depuis octobre. « Pour beaucoup, moi y compris, la seule réponse est : par ici la sortie de l'armée », confie un officier dans un courriel au représentant du New Jersey, Steve Rothman.
La décision du Pentagone a beau être inévitable, après que George W. Bush eut décidé d'envoyer 21 500 GI en renfort en janvier et 8 200 de plus en mars, elle tombe politiquement mal pour la Maison-Blanche. Engagés dans un bras de fer avec le président pour fixer un calendrier de retrait d'Irak, les démocrates ont saisi la perche. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a jugé l'allongement des rotations « inacceptable. ». Pour Ike Skelton, qui préside la commission des forces armées, « cette nouvelle politique fera peser un fardeau supplémentaire sur une armée de terre déjà à la limite. Je crains que cela n'ait l'effet d'une douche froide sur le recrutement, la rétention et l'état de préparation des troupes ».
Une désaffection aux plus hauts échelons
Le déploiement américain en Irak atteint aujourd'hui 145 000 hommes et devrait passer à 160 000 d'ici au début de l'été. C'est le plus fort contingent depuis le début de la guerre il y a quatre ans. Mais le moral des combattants et la fraîcheur des équipements ne suivent pas. La moitié des 43 brigades d'active de l'US Army sont actuellement déployées à l'étranger, certaines avec seulement 70 % de leurs effectifs. L'autre moitié en revient ou se prépare à y retourner. Un tiers de l'armée de métier, soit 170 000 hommes, en sont à leur deuxième ou troisième séjour en Irak ou en Afghanistan. Certaines recrues partent au front après neuf semaines d'entraînement de base et seulement dix jours de préparation au terrain.
Pour atteindre ses objectifs de recrutement et tenir la distance en Irak, l'état-major a élevé l'âge limite de 35 à 42 ans, baissé le niveau de qualification requis (le taux de « bacheliers » est passé de 94 % à 81 % en trois ans), accordé des « dispenses morales » à plus de 8 000 délinquants enrôlés l'an dernier (deux fois plus qu'en 2003), prolongé autoritairement le service de 70 000 soldats en fin de contrat et transféré d'office 20 000 soldats de la Navy et de l'armée de l'air. Le nombre des désertions est en augmentation (3 196 l'an dernier), comme celui des suicides (une centaine en 2006). D'après les sondages effectués auprès de la troupe, le soutien à la guerre est tombé en deux ans de 83 % à 50 %.
Cette désaffection se vérifie aux plus hauts échelons de l'armée : cinq généraux en retraite ont déjà décliné une offre de la Maison-Blanche pour superviser les opérations en Irak et en Afghanistan, avec le rang de « conseiller du président » et le pouvoir de donner des ordres à tous les départements concernés, des Affaires étrangères à la Défense. « Le problème de fond est qu'ils ne savent pas où ils vont, a commenté l'un d'eux, le général des marines John Sheehan (CR). Plutôt que d'avoir un ulcère et de finir par claquer la porte, j'ai dit : non merci. »
Face aux déconvenues sur le terrain, le secrétaire d'État, Condoleezza Rice, fait valoir que l'effort de sécurisation de Bagdad n'en est qu'à ses débuts et qu'il y aura encore « des bons et des mauvais jours ». Robert Gates, de son côté, laisse entrevoir une « possible » réduction du dispositif l'hiver prochain. Mais la formule lâchée récemment par Colin Powell risque d'être au coeur de la discussion sur le financement de la guerre prévue mercredi à la Maison-Blanche, entre le président et les leaders du Congrès : « L'armée est en miettes », estime l'ancien chef d'état-major et secrétaire d'État.

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