Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Au Châtelet, les pianistes amateurs apprennent « à changer les couleurs »

Parrainé cette année par François-René Duchâble, le festival Les Amateurs ! propose plusieurs « master class ».

Par Malik Teffahi-Richard

Publié le 06 juin 2014 à 18h21, modifié le 08 juin 2014 à 00h46

Temps de Lecture 3 min.

Le pianiste et parrain du festival, François-René Duchâble, au Théâtre du Châtelet, le 3 juin 2014.

Un jeune Canadien prend place devant un piano à queue, face à une trentaine d'initiés, vendredi 6 juin. Dans l'atmosphère intime du luxueux salon Diaghilev, au Théâtre du Châtelet, il s'aventure valeureusement sur les notes vives et colorées de L'Isle joyeuse de Debussy, caresse le clavier avec ivresse tout au long du développement, avant de conclure franchement. Applaudissements nourris du public, visiblement conquis.

Michael Cheung n'est pourtant pas pianiste professionnel, il est consultant en management dans la santé. Mais sa virtuosité est telle qu'il aurait tout aussi bien pu l'être. Comme 45 autres pianistes amateurs qui participent à l'événement, il sacrifie chaque jour un peu de son temps de sommeil, ou de sa vie sociale, pour s'adonner avec zèle à sa passion.

Le festival Les Amateurs !, parrainé cette année par le pianiste virtuose François-René Duchâble, se propose de mettre à l'honneur ceux qui n'attendent ni argent ni carrière de leur talent musical. Neurobiologistes, enseignants, avocats… Les heureux élus, tous lauréats de concours internationaux de piano amateur, se voient offrir chacun une « master class », un cours public dispensé par de grands noms du piano, et l'opportunité de jouer de vrais concerts, sur une vraie scène, à faire pâlir de jalousie les hommes du métier.

« Les professionnels rêvent parfois moins de piano la nuit que les amateurs, ils deviennent blasés. Eux, ils sont tous passionnés et sont libres de l'être, ça remet le discours là où il doit être : dans l'amour de l'instrument. Quelque part, tout professionnel doit rester amateur », indique Denis Pascal, professeur de piano au long cours au Conservatoire national de Paris, et professeur d'un jour ce vendredi-là.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

« RENDRE TOUTE LA SENSUALITÉ DE DEBUSSY »

Le maître prend ensuite la parole et demande simplement : « Qu'est-ce que vous voulez apprendre ? ». « Apprendre à changer les couleurs », répond le Canadien. « Ce qui n'est pas convaincant parfois, corrige le professeur, c'est simplement que vous vous fermez un peu, vous n'avez pas toujours une grande empathie avec l'instrument, vous ne vibrez pas complètement avec lui. »

Bon pédagogue, Denis Pascal vient s'asseoir au piano d'à côté et explique, démonstration à l'appui : « Pour rendre toute la sensualité chez Debussy, il faut que le mouvement entre les touches lui-même soit expressif, il faut arrêter d'avoir peur du moment où le son va sortir. Il y a un avant et un après impact qui doivent se répondre. » Il incite son apprenti à travailler ses attaques et son intensité en répétant le geste délicat des mains contre ses genoux. « Je ne fais pas de différence avec les cours que je donne à mes élèves au conservatoire. Simplement, dans ce cas-ci, c'est plus confortable, il y a moins de pression, car je m'adresse à une personne qui a déjà gagné son autonomie sociale, qui est moins fragile. Je n'ai pas à l'armer pour gagner sa vie. »

Alors Denis Pascal s'amuse, s'improvise philosophe, illustre son propos par de grands gestes, des métaphores. « Au fond, c'est quoi une couleur ? Quand on voit du vert, on n'a plus idée de combien de jaune, de combien de bleu il y a. Debussy c'est ça, les notes disparaissent et c'est leur mélange qui réapparaît. » A l'amateur suivant, il dira : « Quelles sont vos sensations lorsque vous jouez Schubert ? Vous chantez ! On sent bien que vous chantez. Car tout Schubert peut se fredonner, il nous accompagne dans la rue, c'est cette idée-là qu'il faut garder. »

UN CONCERT DE CLÔTURE À DEUX PIANOS

Une dernière « master class » publique sera donnée samedi 7 juin à 10 heures par Laurent Cabasso au Théâtre du Châtelet. A partir de 14 heures, deux concerts amateurs simultanés seront joués et le public aura la possibilité de déambuler parmi les différentes pièces du théâtre.

Le lendemain, à 21 heures, la grande salle du théâtre accueillera un concert de clôture à deux pianos, dans un répertoire éclectique, abordant tous les styles. « Un Japonais et une Allemande qui vont jouer à deux pianos dimanche soir ne s'étaient jamais rencontrés avant cette semaine. Ils voulaient tous deux jouer un morceau de Chostakovitch, alors ils ont dû répéter chacun à distance. C'est aussi ça Les Amateurs !, favoriser le partage et la rencontre », sourit Julien Kurtz, directeur artistique du festival – et lui-même pianiste amateur.


Les Amateurs !, possibilité d'assister à une « master class » samedi 7 juin à 10 heures, suivie de deux concerts en simultané, de 14 heures à 21 heures. Grand concert de clôture dimanche 8 juin à 21 heures. Théâtre du Châtelet, 1, place du Châtelet, Paris 1er. De 10 à 15 €. Tél. : 01-40-28-28-40. www.les-amateurs.org

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.