L’exposition. Un courrier d’un certain Louis de Boisvillette, ingénieur des Ponts et Chaussées, va en informer la Société géologique de France en 1848 : un important gisement d’ossements d’animaux a été mis au jour dans une carrière de la commune de Saint-Prest, près de Chartres. Provenant de nombreuses espèces disparues et, pour la moitié d’entre eux, du grand mammouth méridional Mammuthus meridionalis, dont des dents et des éléments d’une vingtaine de squelettes ont été retrouvés, ces quelque 800 fossiles remontent à une époque que les savants pensent alors antérieure à l’apparition de l’homme. Or, plusieurs d’entre eux présentent des stries et des incisions que d’éminents paléontologues interpréteront bientôt comme des traces de découpe et de dépeçage. Des êtres humains auraient-ils occupé, voici 800 000 ans ou 1 million d’années, cette partie de la vallée de l’Eure ?
A cette question, toujours débattue et qui a, encore tout récemment, suscité un réexamen par les préhistoriens du matériel récolté à Saint-Prest, on ne trouvera pas la réponse dans l’exposition que propose la direction de l’archéologie de Chartres Métropole dans le magnifique Musée des beaux-arts qui jouxte la cathédrale. En revanche, on en sortira considérablement enrichi de nouvelles connaissances sur l’un des plus gros mammifères à avoir jamais foulé le sol terrestre : le mammouth. Surtout connu par ses représentations dans l’art pariétal, dont la grotte de Rouffignac en Dordogne a fourni le meilleur exemple, l’animal est souvent associé à l’homme préhistorique, dont il fut un contemporain jusqu’au moment de sa disparition, voici 4 000 ans, en Sibérie – et 12 000 ans ailleurs. Viande, peau, tendon, os, ivoire… l’éléphantidé fut indiscutablement une ressource pour les premiers groupes humains du paléolithique supérieur.
Mais il n’en cache pas moins derrière sa trompe de proboscidien une histoire, riche et ancienne, où l’humanité n’a longtemps joué aucun rôle. Apparu voici 3 ou 4 millions d’années en Afrique, ce cousin de l’éléphant est déjà présent en Eurasie il y a 2 millions d’années, comme en témoignent les multiples spécimens découverts en France : à Saint-Prest, à Chilhac (Haute-Loire) et à Durfort (Tarn). Par la suite, Mammuthus meridionalis va évoluer au gré des changements climatiques, d’abord en mammouth des steppes (M. trogontherii), puis, il y a 200 000 ans, en une espèce plus petite, couverte de poils : le mammouth laineux (M. promigenius). Ce dernier est celui le plus souvent représenté par les artistes et est aussi celui dont on pourra admirer un squelette quasi complet et vieux de 30 000 ans en fin d’exposition. Entre-temps, d’autres rameaux ont atteint l’Amérique du Nord, avant de disparaître.
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