Le nouveau « Muppet Show » sur Disney+ : nostalgiques de l'ancien s'abstenir

Pas de générique. Pas de chansons hilarantes. Des gags hystériques. Décidément, les marionnettes créées par Jim Henson donnent du fil à retordre à Disney.

Par

« Le Nouveau Muppet Show »
« Le Nouveau Muppet Show » © Disney+

Temps de lecture : 5 min

« Un coup de baguette magique, éclate la musique… ! » À l'idée de vous plonger dans l'univers spongieux du Muppet Show, vous vous surprenez déjà à entonner la chanson mythique du générique qui avait accompagné vos dimanches après-midi dans les années 1970. Douche froide à prévoir. Le nouveau Muppet Show, proposé sur la plateforme Disney+, n'a fait aucun effort côté intro, et vous envoie en gros plan, un paresseux panneau très coloré annonçant le titre du programme. Point barre. Tant pis. Passée cette première mini-déception, vous êtes enfin prêt à retrouver avec enthousiasme Kermit, Miss Piggy, Gonzo et les autres… mais la liste de vos petites frustrations vient seulement de commencer. L'univers des Muppets tel que vous les vénériez à la fin des années 1970, sous la houlette de Jim Henson (sûrement l'un des plus grands marionnettistes de l'histoire du spectacle, à qui l'on doit notamment Dark Crystal) a vécu. Disney a définitivement impulsé une orientation jeunesse au show, en oubliant dans les loges le génie de l'ancienne mouture.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Muppets Now, rebaptisé Le Nouveau Muppet Show dans l'Hexagone, a été lancé aux États-Unis le 31 juillet et depuis le 6 novembre en France sur Disney+, à raison de six épisodes d'une petite demi-heure. Ils n'en sont pas à leur coup d'essai chez Disney. La firme, propriétaire des droits depuis 2002, a déjà tenté plusieurs fois de ressusciter les fameuses marionnettes. En dehors de deux longs-métrages, la dernière version télé date de 2015. Le show, alors cocréé par Bill Prady (auteur à l'origine de la sitcom Big Bang Theory) et Bob Kushell, ex-scénariste des Simpsons et producteur de 3e planète après le Soleil, n'avait pas trouvé son public sur la chaîne américaine ABC et avait tiré le rideau après 16 épisodes. Mais comme il est toujours plus simple de continuer à presser un citron jusqu'à l'ultime goutte plutôt que d'inventer de nouveaux concepts, Disney, cinq ans plus tard, a retravaillé sa copie… à défaut de la soigner. Aux commandes, la firme a placé Kirk Thatcher, déjà scénariste de Muppets Tonight qui, en 1996, envoyait les marionnettes faire leur show dans un décor de plateau télé.

Le Nouveau Muppet Show
 ©  Disney+
Le Nouveau Muppet Show © Disney+

Concept YouTube déjà ringard

Au premier abord, la mousse de nos héros n'a pas pris une ride. Comme toutes les bonnes fées embauchées par le géant Disney, les marionnettes, toujours aussi charmantes, semblent, elles aussi, avoir signé un contrat d'éternelle jeunesse. Et s'il y a bien eu une piqûre de Botox, c'est plutôt pour retoucher l'univers dans lequel évoluent désormais les personnages. Adieu donc le décor de théâtre avec son rideau rouge sang et sa magnifique salle en délire. Modernité (ou pas) oblige, ce Nouveau Muppet Show nous offre désormais une succession de quatre ou cinq pastilles vidéo non scénarisées (une gageure !), mises en ligne sur un écran d'ordinateur par ce bon vieux coursier de Scooter (sorte de Jamy Gourmaud version latex). Miss Piggy (omniprésente) est devenue une insupportable influenceuse, à la tête de la rubrique Lifesty(le) (sty signifiant en anglais porcherie) qu'elle coanime avec son assistant personnel Oncle Deadly, le dragon. Tip Top Chef propose une battle entre de vrais cuisiniers et le délicieux chef suédois expert en borborygmes, tandis que Beverly Plume, une dinde animatrice toute en glouglou, tire la couverture à elle.

Le professeur Bunsen et son assistant, le flippé et flippant Beaker, proposent, eux, des expériences scientifiques ludiques, mais pas toujours très finaudes. Quant à Pepe la crevette, il se retrouve à animer un jeu télé complètement azimuté dont il invente au fur et à mesure les règles face à des candidats dont on a du mal à comprendre d'où ils sortent. Finalement, ce Muppet colle à notre monde, confiné, et se regarde en solitaire sur son smartphone. Moderne… bof : le concept d'une série sur Internet façon YouTube semble déjà ringard. Pas très chaleureux en tout cas, le choix de ce format induisant forcément beaucoup moins d'interactions entre les personnages même si l'aspect foutraque de l'ensemble a bien été conservé. Les facéties aux second et troisième plans qui nous faisaient tant (sou)rire autrefois ont totalement disparu pour céder la place à des saynètes à deux-trois personnages maximum. Certes, on est conscient que ce nouvel habillage cherche à séduire avant tout une nouvelle génération de téléspectateurs, mais désolé, le programme y perd en vivacité. Et la frustration nous gagne.

Miss Piggy, nouvelle star du nouveau Muppet Show
 ©  Disney+
Miss Piggy, nouvelle star du nouveau Muppet Show © Disney+

Une lueur d'espoir ?

D'autant que l'ours Fozzie, Gonzo, Statler et Waldorf, la poule Camilla et surtout l'irremplaçable Kermit (dont la voix originale a changé au grand dam des téléspectateurs américains) sont condamnés à jouer les seconds rôles, quand ils ne sont pas relégués au rang de figurants de luxe. Bien sûr, on ne s'attendait pas à retrouver exactement l'ambiance de nos dimanches d'antan, mais l'humour absurde et joyeux de nos petits bonshommes en mousse semble avoir été anéanti par la bombe aseptisante de la maison Disney. Et voici comment le Muppet grand public et gentiment irrévérencieux se retrouve réduit à un programme pour enfants. Les gags s'enchaînent (ne ratez pas la séance de yoga de Miss Piggy), mais pas (ou peu) de place pour les traits d'esprit et le second degré. À peine a-t-on le droit à un jeu de mots un brin audacieux entre un cochon et Ru Paul, la reine des drags. Ici, les rubriques bruyantes et parfois lourdingues se veulent avant tout accessibles au (très) jeune public. Les expériences semi-pédagogiques de Bunsen sont d'ailleurs précédées de mises en garde humoristiques, certes, mais bien réelles.

Balayons l'argument qui voudrait que l'aura du Muppet Show tienne uniquement à ses voix françaises. Oui, Roger Carel, Micheline Dax, Max Meynier et les autres ont joué un rôle prépondérant dans l'incroyable succès de l'époque mais l'univers des Muppets nous faisait aussi rêver et l'alchimie entre marionnettes et invités humains y était pour beaucoup. Dans cette salve d'épisodes, outre le faible niveau des stars recrutées (Taye Diggs, Linda Cardellini ou Ru Paul, comparés à Liza Minnelli, Charles Aznavour, Elton John, Roger Moore, Rudolph Noureev, Candice Bergen ou Sylvester Stallone : encore bof !), leurs jeux avec les marionnettes ont du mal à décoller. D'autant que les numéros dansés et chantés n'ont pas survécu.

On en vient à regretter ce projet jeté à la poubelle qui incluait de la musique écrite par Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez, le duo oscarisé pour la chanson « Libérée, délivrée » de La Reine des neiges. Ne le nions pas : ces six épisodes proposent quelques fulgurances. Après tout, deux des trois scénaristes crédités, Bill Barretta et Jim Lewis, sont des associés de Jim Henson. On aime bien Beverly Plume et on craque surtout sur Joe, le conseiller juridique du show aussi intransigeant que coincé, dont le rire sonore pourrait, qui sait, entrer un jour dans la légende. Le signe que les Muppets ne sont pas morts. C'est juste qu'ils n'ont pas encore retrouvé un show à leur hauteur.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération