"Un simple doigt dans mon vagin peut me faire mal à en pleurer", explique Clémentine, 20 ans, qui souffre de dyspareunie.

"Un simple doigt dans mon vagin peut me faire mal à en pleurer", explique Clémentine, 20 ans, qui souffre de dyspareunie.

Arthur Milleville pour L'Express Styles

Dyspareunie: des douleurs intenables pendant le sexe

"Un simple doigt dans mon vagin peut me faire mal à en pleurer." Ces propos sont ceux de Clémentine, 20 ans, qui souffre de dyspareunie, autrement dit de douleurs pendant les rapports. "Derrière le terme de dyspareunie s'invite toute forme de douleur qui survient pendant l'acte sexuel, tout déplaisir ou tout désagrément", introduit Pascal de Sutter, sexologue. "Les douleurs ont lieu lors de la stimulation des organes génitaux, comme la vulve et le clitoris, et la plupart du temps lors de la pénétration." Selon les derniers chiffres en date, que l'on peut lire dans Les comportement sexuels en France (La documentation Française, 1993), 5% des femmes se plaignent souvent de dyspareunies et 19% s'en plaignent parfois.

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Les dyspareunies peuvent être superficielles, c'est-à-dire à l'entrée du vagin, comme dans le cas de Clémentine. D'autres femmes rencontrent des dyspareunies dites profondes, c'est-à-dire au fond du vagin. Ana, 19 ans, parle d'une crampe indomptable. Quant à Emilie, 23 ans, il lui arrive de sentir une coupure. "C'est comme un violent coup de couteau" confie-t-elle.

"Il existe toute une gamme de douleur", explique Pascal de Sutter. "Ça brûle, ça frotte, ça coupe. Et quand la douleur prend le pas sur le plaisir, les femmes stoppent le rapport qui devient insupportable." Anaëlle, 30 ans, souffre d'endométriose, une maladie gynécologique provoquant des maux intenses pendant les règles et/ou les rapports: "Je ressens une douleur épouvantable, comme des contractions d'accouchement, qui tapent jusque dans les reins. Mon compagnon et moi sommes obligés de tout arrêter."

Une douleur très dérangeante et qui persiste dans le temps doit alerter. "Les dyspareunies peuvent être simplement momentanées ou circonstancielles et survenir à une période précise de la vie, après un accouchement, en cas de stress ou d'infections vaginales, par exemple. Mais si cela dure, il faut s'interroger et consulter. Le souci peut-être médical, plus rarement psychologique", précise le sexologue.

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D'où viennent ces "coups de couteau"?

Des causes très souvent médicales

"Très fréquemment, les dyspareunies trouvent une cause médicale alors que l'on entend souvent que c'est psychologique", explique Pascal de Sutter. "Je trouve que le milieu médical sous-estime et sous diagnostique parfois ces douleurs. Si on ne voit rien à l'oeil nu lors de l'examen vaginal, on décrète à tort que c'est dans la tête."

Anaëlle témoigne: "J'ai découvert mon endométriose au stade 4 de la maladie. J'avais mal pendant les rapports, cela ne semblait pas inquiéter ma gynéco. A côté de cela, je ne parvenais toujours pas à tomber enceinte. J'ai moi-même soupçonné une endométriose et lui ai fait part de mon diagnostic."

Diane Winaver, gynécologue psychosomaticienne, fait le point concernant les différentes causes médicales: "Les dyspareunies sont profondes en cas, entre autres, d'endométriose, de malformation du vagin, d'infection des trompes ou d'un kyste à l'ovaire. On note aussi beaucoup de causes médicales ponctuelles, rapidement détectées et traitées, qui touchent l'orifice du vagin et la vulve, comme les vulvites (infections de la vulve), les vulvovaginites (les infections du vagin), ou encore les mycoses et l'herpès. Les organes génitaux sont asséchés, ça gratte, ça frotte, c'est douloureux."

La sècheresse vaginale provient également de troubles hormonaux pouvant provoquer un manque de sécrétion ostrogénique, en cas par exemple d'atrophie du vagin, de ménopause ou encore d'allaitement. "Il faut rassurer les femmes", poursuit Diane Winaver. "Parfois, on pense avoir un manque de désir pour son partenaire après la naissance de bébé ou bien avec l'âge. Or c'est un souci hormonal qui entraîne un souci mécanique. Il existe des ovules qui fortifient la muqueuse vaginale." Emilie connaît également une sècheresse vaginale, qui serait en partie due à la prise de pilule d'après sa gynécologue. "Depuis que j'ai changé de pilule et que j'utilise du lubrifiant, ça va mieux. La douleur n'est pas présente à chaque rapport. Mais parfois, j'ai encore mal en profondeur et je ne sais pas d'où ça vient."

Des maladresses pendant l'acte

Pascal de Sutter rebondit sur le manque de lubrification: "On ne doit pas oublier que les préliminaires sont importants. Le corps de la femme a besoin de temps pour que la stimulation mène à l'excitation. Les couples établis vont parfois trop vite." Le sexologue relève également la possibilité d'une maladresse dans le feu de l'action: "On y va parfois un peu fort. On ne l'entend pas assez mais le plaisir ne vient pas d'un pénis qui va loin mais d'un pénis qui pivote dans le vagin. La recherche de sensations fortes peut faire mal et entraîner des douleurs qui persistent après le rapport."

Constance, 29 ans, éprouve une vraie gêne après les rapports. La cause de sa souffrance serait intestinale: "Une pénétration active dérange mon système digestif. J'ai mal dans le bas du ventre pendant le rapport mais aussi dans l'heure qui suit. Je prends une douche chaude qui m'apaise et me couche. La douleur passe petit à petit."

Un mal psychosomatique

Hors des causes médicales, il y a aussi des cas de femmes chez qui la douleur naît dans la tête. "Elles n'ont aucune infection, les préliminaires sont là, la lubrification se met en route, mais la douleur se manifeste, c'est psychosomatique", avance Diane Winaver. "Certaines personnes stressées vont avoir mal au ventre ou dos. D'autres vont avoir mal dans les zones génitales."

Diane Winaver poursuit et raconte le cas d'une patiente qui, après avoir trompé son mari, culpabilisait au point d'avoir mal quand elle retrouvait celui-ci. La douleur peut également être le miroir d'autres angoisses: crainte de tomber enceinte, de démarrer sa vie sexuelle, de ne pas provoquer le désir chez l'autre... Ana pense ainsi que sa crampe naît du stress de vouloir bien faire." Chaque rapport sexuel me met une énorme pression."

Des solutions pour une sexualité plus heureuse

Cette situation provoque un certain malaise chez Ana. De manière générale, les femmes n'osent pas toujours consulter un spécialiste. "Du coup, j'ai trouvé quelques parades pour atténuer la douleur. Je tente de la réduire en demandant à mon partenaire d'aller moins vite, moins en profondeur ou de changer de position. Je respire mieux et ça va. Je trouve que je m'en sors bien et que je progresse, la douleur devient gérable. J'ai bon espoir. Mais peut-être que je passerai au-delà de ma timidité et consulterai un spécialiste si je ne parviens pas à m'en débarrasser complètement."

Diane Winaver constate tout de même que les patientes exposent plus aisément ce genre de problème aujourd'hui, bien qu'elles soient souvent gênées et attendent la fin de la consultation pour en parler. "Il ne faut pas hésiter une seconde. Chaque femme doit poser des mots sur sa douleur, trouver des métaphores si elle le veut. C'est utile au diagnostic", conseille la gynécologue.

Pascal de Sutter, lui, recommande d'aller voir un dermatologue spécialisé dans les muqueuses génitales qui fera des examens approfondis pour détecter s'il y a des infections de la vulve. "Beaucoup trop de femmes vont voir des psys alors qu'il y a un réel souci physique qui n'a pas toujours été repéré par leur gynéco. Bien sûr, si on ne trouve rien, il faut chercher d'un point de vue psy." Quand la source du problème n'est ni psy, ni physiologique, il convient de se demander quel est notre rapport à la sexualité. "Certaines femmes ne sont simplement pas attirées par le sexe et s'en aperçoivent avec le temps", ajoute-t-il.

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La peur d'avoir mal: quand les dyspareunies entraînent un vaginisme

Les dyspareunies peuvent être la conséquence d'un vaginisme et vice versa. "Quand on a mal, on appréhende l'acte sexuel. Le vagin se ferme involontairement pour se protéger. La pénétration devient alors difficile et le vaginisme s'installe. A contrario, une femme atteinte de vaginisme, qui a donc des contractions involontaires du périnée, aura alors des soucis de dyspareunie car dès lors qu'elle force, la douleur apparaît", met en évidence Pascal de Sutter. Clémentine, qui souffre de dyspareunie, sent parfois son corps se crisper. "Mon copain me suggère de ne pas me contracter mais je ne contrôle pas! Mon corps refuse la pénétration, qui est parfois impossible. J'ai peur d'avoir mal, c'est un réflexe. "

Vaginisme, la phobie de la pénétration

En cas de vaginisme, la pénétration est impossible: le périnée se contracte involontairement. "On parle de vaginisme mais ce n'est pas un souci de vagin, c'est un souci de peur. Une peur du pénis ou de l'homme, qui entraîne une peur de la pénétration. On parle de vaginisme partiel quand les femmes n'ont en revanche aucun mal à introduire un tampon ou même leur doigt. Sinon le vaginisme est total", précise Pascal de Sutter. "On note que 5 à 6% des femmes sont vaginiques" [NDLR: le terme vaginique s'emploie dans le jargon médical].

"Les femmes redoutent d'avoir mal", explique Diane Winaver. Une appréhension qui vient souvent d'une vision déformée des organes génitaux. Pascal de Sutter nous présente un exercice qu'il invite les femmes souffrant de vaginisme à réaliser: "Elles dessinent un vagin et un pénis. Le vagin est en général tout petit, le pénis énorme. Les rapports de dimension sont transformés. On essaie alors de leur faire prendre conscience qu'un pénis peut entrer dans leur vagin puisqu'un bébé peut en sortir."

Fanny, 20 ans, est vaginique. Elle explique: "C'est terrible, je sens mon corps se contracter à la vue du phallus arrivant en moi. J'ai essayé dans le noir, j'ai aussi entrepris des positions où je ne voyais pas mon partenaire. Mais rien n'y fait." Outre cette peur du phallus, on rencontre aussi des femmes qui ont une phobie de l'homme et évitent les rapports sexuels. Qu'il s'agisse de la peur du pénis ou de l'homme, il est nécessaire d'en parler avec un psychologue ou psychiatre. Le vaginisme ne connaît que rarement des sources organiques", estime Pascal de Sutter.

Les abus sexuels trop souvent mis en cause

Les causes du vaginisme sont psychologiques -mal-être, dépression-, ou bien sexologiques -dyspareunies, peur d'une grossesse, mauvaises expériences passées, abus sexuel. Le vaginisme peut survenir dès le début de la vie sexuelle ou tardivement.

"Ma première expérience fut réellement chaotique", témoigne Fanny. "Une soirée alcoolisée, un garçon très insistant. J'ai voulu me donner à ce garçon mais mon vagin l'a refusé, littéralement. Il essayait de me pénétrer et rien n'y faisait. J'ai commencé à me poser des questions, à me dire que j'avais peut-être un hymen trop épais. La question du vaginisme est venue plus tard en me masturbant, car dans ce cas je n'avais aucun souci. Depuis ce premier rapport, mon vagin refuse tout corps étranger", constate-t-elle. Elle pense aujourd'hui que cet évènement est la source de son vaginisme.

Concernant les traumatismes qui peuvent être à l'origine du vaginisme, Pascal de Sutter tient à faire part de son expérience: "On a tendance à croire que les femmes atteintes de dyspareunie ou de vaginisme ont subi des abus lorsqu'elles étaient enfants. J'ai vu des spécialistes parvenir à convaincre des ados qu'elles avaient été abusées sexuellement petites et qu'elles ne s'en souvenaient pas. Or, les femmes violées ne développent pas nécessairement de dysfonctionnements sexuels. Parmi les patientes touchées par ces pathologies, il y a autant de femmes qui ont été abusées sexuellement que de femmes qui ne l'ont pas été."

Mieux connaître son corps pour sortir du vaginisme

Reconnaître le problème

La première chose est de reconnaître qu'il y a un problème. Pascal de Sutter a rencontré des hommes qui acceptaient un rituel pour que leur compagne se détende: attendre une heure qu'elle prenne un bain, puis la masser... Selon l'expert, agir ainsi entretient le problème. Mieux vaut ne pas le contourner et consulter. Pascal de Sutter précise que certaines femmes consultent pour un motif d'infertilité. "Et lorsqu'on creuse, on s'aperçoit qu'elles sont vaginiques. Ce n'est pas qu'elles n'osent pas le dire, c'est qu'elles ont appris à se voiler la face."

Fanny, elle, reconnaît le problème tant son vaginisme est devenu handicapant: "J'ai rencontré deux hommes après ma mauvaise expérience. Mais impossible de faire l'amour, même avec du lubrifiant. Je me dis qu'il faut écouter son corps, qu'il ne doit pas être prêt. Mais j'ai peur de m'engager avec quelqu'un désormais. Je viens à peine de découvrir ma sexualité, je n'ai pas encore trouvé un homme suffisamment à l'écoute, avec qui essayer en douceur la pénétration."

Prendre son temps et progresser en douceur

Cela dit, le vaginisme n'empêche pas toujours une sexualité épanouie. "Si certaines femmes rejettent totalement la sexualité, d'autres s'amusent au lit sans pénétration. Leur vagin se lubrifie mais le périnée continue de se crisper", explique Pascal de Sutter.

Pour retrouver le plaisir de la pénétration, elles peuvent essayer d'y aller en douceur. "Au repos, le vagin est fermé. C'est comme une chaussette, il n'y a qu'en mettant le pied dedans qu'elle s'ouvre", image le sexologue. "Si vous serrez votre poing très fort pendant deux minutes, vous voyez que vous ne tenez pas plus longtemps. C'est pareil pour le périnée, il ne faut pas laisser tomber, il faut rester à l'entrée, attendre que les muscles se relâchent, respirer calmement, continuer de s'exciter pour tenir l'érection de l'homme. Petit à petit, le vagin s'ouvre."

Antoine, 31 ans, a connu une fille vaginique. Il a pris son temps et tenter avec délicatesse la pénétration: "Je mettais ma partenaire en confiance. Au début elle avait mal et petit à petit, ça allait. Si c'était trop difficile pour elle, on s'amusait autrement."

Se détendre seule

"Les petits garçons jouent très tôt avec leur pénis dans le bain", explique le sexologue. "Les petites filles jouent moins avec leur sexe. Se masturber ne leur est pas toujours aisé. La masturbation féminine reste encore taboue, Françoise Dolto -et ce n'est pas vieux Dolto- contrindiquait la masturbation, avançant que ça rendait les femmes immatures sexuellement. Or se toucher pour apprivoiser son corps est important, si on se sent prête", certifie le sexologue. Au planning familial, une gynécologue a conseillé à Fanny de se masturber pour mieux se connaître, tout en apprenant à respirer. Elle a depuis découvert le plaisir solitaire. "Je sais me faire jouir, j'y prends goût. J'ai hâte de pouvoir partager cela avec quelqu'un", nous confie-t-elle.

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Une rééducation du périnée

Il est recommandé d'aborder deux traitements en parallèle, une rééducation mécanique et une rééducation sexologique: un traitement sexologique car le problème naît bien de la tête, mais aussi un traitement avec un kiné spécialisé en périnéologie, afin de prendre conscience de son périnée, comprendre que c'est un muscle qui se serre et se desserre. "C'est primordial de connaître son périnée", commente Diane Winaver. "C'est ainsi que l'on apprivoise son corps et retrouve une sexualité parfaitement épanouie. C'est la clé."

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