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Chronique «Tas de vieux os»

Pourquoi les derniers mammouths laineux ont-ils disparu ?

Une fois par mois, «Libération» recense l’actualité des choses du passé plus ou moins lointain : découvertes archéologiques, trouvailles paléontologiques et nouveautés préhistoriques.
par Florian Bardou
publié le 2 novembre 2019 à 18h04

Une fois par mois, Libération recense l'actualité des choses du passé plus ou moins lointain : découvertes archéologiques, trouvailles paléontologiques et nouveautés préhistoriques. Ce mois-ci : premier épisode retraçant le quotidien des derniers mammouths, une bataille à l'âge de bronze et l'analyse de flèches néandertaliennes très sophistiquées.

Paléontologie

La disparition des derniers mammouths laineux

Il fut une île, dans l'océan Arctique, où les tout derniers mammouths laineux (Mammuthus primigenius) ont survécu plusieurs milliers d'années, jusqu'à disparaître totalement de la surface du globe. C'était il y a environ 4 000 ans sur l'île Wrangel, au nord des côtes sibériennes, dans l'actuelle Russie, mais sans que l'on sache jusqu'alors les causes exactes de cette extinction. Publiée mi-octobre dans la revue Quaternary science reviews, une étude très fournie offre un éclairage inédit sur la disparition du proboscidien, dont l'ivoire est aujourd'hui exhumé avec la fonte du permafrost pour faire moult profits. Rayé de la carte des terres émergées (Alaska et Sibérie orientale) il y a entre 13 000 et 11 000 ans, après des millénaires de chasse humaine et des conditions climatiques défavorables ayant transformé leur habitat – à ce sujet voir ce superbe documentaire diffusé sur Arte début octobre –, des mammouths laineux se sont en effet retranchés sur ce qui n'était pas encore une île de la mer des Tchouktches.

Avec la dernière grande déglaciation il y a 10 000 ans, et son corollaire, la montée des eaux, une petite population de quelques centaines d’individus s’est alors retrouvée isolée sur ce bout de terre de 143 kilomètres de long par 81 de large. L’analyse au radiocarbone de certains isotopes extirpés du collagène de 77 spécimens de Wrangel par des chercheurs germano-finlandais montre que les derniers des mammouths, outre une forte consanguinité et une vulnérabilité métabolique accrue à cause de mutations génétiques désavantageuses, ont probablement souffert de dérèglements environnementaux locaux. Notamment une période de gel extrême, les empêchant de se nourrir, ou des pluies torrentielles, entraînant l’érosion des montagnes de Wrangel et la pollution par des métaux lourds des eaux d’abreuvement. Des hypothèses fortes qui demandent encore d’être confortées par le terrain.

En bref

Des géologues lyonnais ont mis la main, au Maroc, sur des fossiles de trilobites (Ampyx priscus), vieux de 480 millions d'années, tous orientés dans la même direction et à la file indienne. Ils suggèrent que l'apparition des comportements collectifs est très ancienne.

Des trilobites alignés à la file indienne vieux de 480 millions d’années. Photo Vannier et al., Scientific reports, octobre 2019.

Paléoanthropologie

Quand Néandertal fabriquait de la résine pour coller ses outils

Les Néandertaliens, longtemps considérés comme des rustres, révèlent leur complexité technologique et cognitive étude après étude. Désormais, on les suspecte de plus en plus d'avoir été artistes, de maîtriser les rudiments de la médecine (à base de plantes), d'avoir développé un sacré outillage ou encore d'avoir porté les premières parures. Dernière trouvaille en date, la découverte par des archéologues néerlandais d'emmanchements en silex à partir de résine de bouleau, vieux de 50 000 ans et retrouvés sur la côte hollandaise, suggère une nouvelle fois la maîtrise par Homo neanderthalensis de techniques élaborées, ici la production d'adhésif pour la fabrication d'outils complexes.

Des silex avec de la résine de bouleau attribués à Néandertal. Photo Niekus et al., PNAS, octobre 2019.

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Parues fin octobre dans la revue de l'Académie américaine des sciences (PNAS), les conclusions de cette étude, qui confortent des découvertes similaires en Italie ou en Allemagne, sont évidemment éminemment discutées, notamment quant à leur portée : maîtriser ce genre de techniques fait-il de ce très proche cousin de notre espèce un être aux comportements «modernes» ? Elles témoignent dans tous les cas d'un changement de regard complet sur les capacités de l'homme de Néandertal, de plus en plus proche de nous.

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En bref

Des archéologues français ont analysé des ossements de lapins de garenne, vieux de 70 000 ans, sur un site d'occupation néandertalien de Pié Lombard (Alpes-Maritimes). Ils en ont déduit que notre vieux cousin raffolait de l'animal, autant pour sa viande rôtie que pour sa fourrure. Une exploitation de ce petit gibier comme ressource qui implique des techniques sophistiquées, dont on attribuait la maîtrise jusque-là au seul homme moderne.

Archéologie

Une très grande bataille à l’âge de bronze

Il y a un peu plus de 3 000 ans, dans le nord-est de l’Allemagne actuelle, plusieurs milliers de guerriers se sont affrontés sur les bords d’une rivière, occasionnant au passage 750 morts – c’est l’estimation des archéologues. Considérée comme l’une des premières sur le sol européen, cette bataille de l’âge de bronze, dite bataille de Tollense, en l’absence de traces écrites, garde évidemment une grande part de mystère. Néanmoins, et c’est l’intérêt des fouilles archéologiques dans la région depuis 1996, elle livre peu à peu ses contours et ils sont de plus en plus inattendus.

Outre le caractère massif de l'affrontement, la présence – déjà ! – de cavaliers armés de lances ainsi que de combattants aguerris, les archéologues allemands ont aujourd'hui les preuves que certains de ces soldats armés d'objets en bronze n'étaient pas du coin et ont voyagé sur plusieurs centaines de kilomètres pour se faire la guerre. C'est en tout cas ce qu'ils affirment ce mois-ci dans la revue Antiquity après avoir analysé une trentaine de nouveaux objets (les effets personnels d'un soldat mort au combat) récupérés sur le site allemand et comparables à des artefacts exhumés dans des tombeaux de guerriers de haut rang dans l'est de la France et jusqu'en République Tchèque. Ce qui suggère, plus largement, que les sociétés guerrières de cette période du bronze en Europe continentale étaient organisées de telle sorte qu'elles pouvaient faire appel à des alliés ou des mercenaires lointains.

En bref

En Egypte, les crocodiles momifiés étaient chassés à l'état sauvage avant d'être embaumés, relèvent ce mois-ci des égyptologues français. C'est en tout cas le résultat d'une analyse au synchrotron d'un spécimen datant de l'Egypte romaine et conservé au musée des Confluences à Lyon. Les archéologues ont pu déterminer les causes de sa mort (une fracture du crâne), son âge (c'était un juvénile) et son dernier repas (une souris et un insecte aquatique même pas digérés).

Photo et rendu 3D du crocodile momifié, conservé au Musée des confluences à Lyon. (Porcier et al, 2019, Journal of Archaeological Science)

A Trémuson (Côtes-d'Armor), l'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) a exhumé lors de fouilles sur une ancienne ferme gauloise quatre sculptures exceptionnelles du Ier siècle avant J.-C, témoignant de «l'évidente richesse des propriétaires» ; tandis qu'aux portes de Narbonne, c'est carrément une nécropole gallo-romaine extraordinairement bien conservée depuis le Ier siècle de notre ère qui a été découverte. Parmi ses 300 tombes, les archéologues ont trouvé des objets funéraires (cruches, vases, flacons à parfum en verre, bijoux, etc.).

Pour aller plus loin :

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