Le jour où Elio Di Rupo a failli tout perdre
Événement en librairie : dans «Le Labyrinthe du pouvoir», l’emblématique figure socialiste se livre en toute liberté, sur son destin, ses rencontres, mais aussi ses épreuves. L’une d’entre elles est probablement la plus illustrative des dangers, des pièges, des pressions, des règlements de comptes que vivent les hommes politiques. Une épreuve qui aurait pu le tuer. Politiquement, mais aussi humainement. Nos extraits.
- Publié le 28-01-2024 à 11h30
- Mis à jour le 28-01-2024 à 11h36
«Un livre sur le pouvoir? Pas exactement : plutôt un témoignage personnel sur l’expérience du pouvoir et sur les circonstances qui ont amené un jeune fils d’immigrés, orphelin de père, au carnet d’adresses vide, à l’exercer jusqu’à sympathiser un jour avec le président des États-Unis.»
Dès le prologue, Elio Di Rupo donne le ton. Celui de la sincérité, celui de la fascination pour un destin auquel il ne pouvait croire. «Né dans une famille d’ouvriers mineurs débarqués d’Italie quelques années après la guerre, j’ai perdu mon père à l’âge d’un an. Ma mère, ne sachant ni lire ni écrire, est restée seule, sans revenu, avec ses sept enfants. Si j’avais un destin à ce moment-là, ce n’était certes pas du côté de la rue de la Loi ni du palais d’Egmont qu’il se trouvait», dit-il.
Passionné et passionnant, il emmène le lecteur des maisons du peuple à la tribune de l’ONU, du collège municipal aux sommets européens. Il raconte les rencontres qui ont changé le cours de sa vie, évoque de nombreuses personnalités telles que François Hollande, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Barack Obama, Hillary Clinton et même, sur la place Saint-Pierre à Rome, le pape François, sans oublier sa relation avec le roi Albert II. Mais il n’oublie rien du passé, de ses racines, là où tout a commencé. Ce n’est pas un hasard si les bénéfices de la vente du livre seront versés à la Fondation Franz Aubry, qu’il a créée et qui accorde des aides financières à des orphelins en difficulté souhaitant entreprendre des études supérieures.
Notre numéro spécial "Brafa 2024" : découvrez en un seul clic 32 pages de pures merveilles«Dans ma prime jeunesse, je me suis perdu dans des chemins sans issue, égaré dans des labyrinthes, fourvoyé dans des choix malencontreux», dit-il encore. «Je n’en garde cependant aucune amertume. Si le malheur a très tôt frappé ma famille, si, au cours de mon adolescence, j’ai fait une expérience très intense de déréliction, j’ai aussi eu une chance inouïe, celle d’avoir une mère dispensatrice d’un amour infini. C’est nimbé de cette tendresse inconditionnelle que j’ai construit ma personnalité en parvenant à mettre un pied devant l’autre. Je n’avais pas le sou, mais j’étais milliardaire en affection reçue. Avec un tel patrimoine, tout restait possible.»
Faire face au pire aussi. En 2022, interrogé sur «l’affaire» qui failli le briser et qu’il retrace dans les pages qui suivent, il expliquait «J’ai tourné la page, mais je ne l’ai pas déchirée. Je me souviens de tout. Je crois avoir fait preuve de résilience. Si j’écris mes mémoires, je creuserai le sujet. J’ai plusieurs mètres de documents.» Les voici synthétisés.
Le destin peut basculer à chaque instant
Personnage incontournable de la politique belge, Elio Di Rupo, né le 18 juillet 1951 à Morlanwez, a connu un flamboyant destin : président du Parti socialiste de 1999 à 2019, Premier ministre de 2011 à 2014 et trois fois ministre-président de Wallonie, de 1999 à 2000, de 2005 à 2007 et depuis le 13 septembre 2019. «Des nuages à la nuit noire, en novembre 1996, j’ai connu une éclipse totale de plusieurs jours, et celle-ci aurait bien pu être définitive si je n’avais pas été soutenu par quelques personnes admirables», explique-t-il dans la préface de son autobiographie. «Un dossier de pédophilie monté de toutes pièces contre moi au sein de l’appareil judiciaire a déclenché un drame politique majeur, qui n’était rien à côté du séisme que je vivais intérieurement. (…) De cette expérience, j’ai retenu que les fonctions politiques sont par nature précaires et que tout peut basculer à chaque instant. Une erreur personnelle ou collective, un événement extérieur que l’on doit assumer, un retournement brutal de l’opinion, et vous voilà sans transition déchargé de vos responsabilités.»