Un champion du saut, le collembole

Que dirait le Comité International Olympique d'un athlète dôté d'un appendice abdominal « ressort » ? ©Getty - Gilles Martin
Que dirait le Comité International Olympique d'un athlète dôté d'un appendice abdominal « ressort » ? ©Getty - Gilles Martin
Que dirait le Comité International Olympique d'un athlète dôté d'un appendice abdominal « ressort » ? ©Getty - Gilles Martin
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Ils grouillent dans les sols que nous foulons et on les retrouve partout, tant dans le sable que la neige. Vous ne voyez pas de qui on parle ? Normal : ils bondissent si vite qu’ils sont difficiles à suivre.

Possédez-vous un composteur ? Une loupe binoculaire ? Si oui, je vous invite à découvrir la faune passionnante qui y habite. Bon, je sais, cela ressemble à un oxymore : fouiller dans le compost versus faune passionnante. Sautez le pas. Vous découvrirez de petits animaux que les enfants trouveront mignons. Les collemboles. 

Qui sont-ils ? Ce sont des arthropodes de 0,2 à douze millimètres. Ils ont une grosse tête munie d’une paire d’antennes bien visibles, un corps plutôt dodu constitué d’un petit thorax portant six pattes et d’un abdomen volumineux. Rien de plus banal. 

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Les gamins n’ont même pas eu le temps de dire qu’ils sont « trop chou » : zip, l’animal a brusquement disparu de l’objectif ! Vous cherchez un autre individu pour une nouvelle observation… Et zip, le coquin a de nouveau disparu ! Mais par quel subterfuge ces animaux sont-ils capables de disparaître en un clin d’œil ? 

L’astuce est un propulseur. Si le Marsupilami bondit grâce à sa queue en forme de ressort, eh bien son auteur, Franquin, n’a rien inventé. Le collembole, lui non plus, ne saute pas avec ses pattes. Il est monté sur un levier saltatoire. 

Celui-ci fonctionne grâce à deux organes ventraux originaux, la fourche et le rétinacle. La fourche est un appendice bifide, attaché ventralement au quatrième segment abdominal et pointant vers l’avant. En position bloquée, elle s’accroche au rétinacle situé juste devant et qui fonctionne un peu comme un loquet. Le loquet s’ouvre, la fourche se décroche brusquement, frappe le sol et propulse l’animal dans un gigantesque saut, jusqu’à dix centimètres de hauteur ! 

C’est comme si vous étiez capables de sauter sur le toit d’un immeuble de douze étages ! Si vous voyez un collembole disparaître, c’est qu’il a sauté. 

Les vers d'Artistote 

Les collemboles existent sur Terre depuis le Dévonien inférieur, voici 400 millions d’années. Ils regroupent 9000 espèces et sont partout : à la plage, dans les neiges éternelles, les pots de fleurs, les sols, les écorces des arbres, la surface des étangs, les grottes souterraines, les nids d’oiseau… Ils se nourrissent surtout de champignons filamenteux et de micro-organismes. Dans le sol d’une forêt européenne, ils sont entre 50 000 à 400 000 par mètre carré ! Ce qui représente entre 1% et 10% de la biomasse du sol. 

Le Monde vivant
3 min

Dans la glace des montagnes, Isotoma saltans se nourrit de grains de pollen apportés par le vent. Les premières mentions historiques de ces animaux portent sur des collemboles des neiges. 

Aristote avait observé des « vers » qui pourraient bien être des collemboles et il écrivait : « La neige produit elle-même des vers en vieillissant ». Le médecin hongrois Charles Raygerus note et observe en 1672 : « Plus de dix espèces de vers avec de la neige, lesquels y vécurent, & qu’on y vit ramper par troupes pendant plus de quatre jours… » Les skieurs privés de descentes par un virus tenteront de se consoler de la fermeture des pistes en imaginant le bonheur des collemboles des neiges sautant, à leur échelle, de bosse en bosse. 

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