Egyptologie : cinq choses que vous ignorez peut-être sur le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion

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Egyptologie : cinq choses que vous ignorez peut-être sur le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion

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Hiéroglyphes d'un temple situé à Kôm Ombo dans le Nord de l'Egypte
Hiéroglyphes d'un temple situé à Kôm Ombo dans le Nord de l'Egypte
© Getty - skaman306

Il y a 200 ans, le 14 septembre 1822, Jean-François Champollion se rend chez son frère aîné pour s'exclamer : "Je tiens l'affaire", entendant par là qu'il savait désormais comment lire l'ancienne langue écrite des Égyptiens.

Puis le 27 septembre 1822 l’égyptologue français, alors âgé de 31 ans, déchiffre les hiéroglyphes à partir des premiers cartouches royaux de Ptolémée V sur la pierre de Rosette, et l'annonce dans une lettre envoyée à M. Dacier, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et directeur de la Bibliothèque nationale.

Par sa découverte, ce savant autodidacte créait l’égyptologie, la possibilité de comprendre l’Egypte ancienne sans passer par les écrits grecs ou romains, et lançait des pistes de recherches nouvelles.

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Cinq choses à savoir sur ce bouleversement scientifique.

1- Les Champollion étaient deux : Jean-François et Jacques-Joseph

Si on évoque la découverte de Jean-François, on oublie souvent le rôle de son grand frère. L’égyptologue Karine Madrigal a eu accès à leur correspondance conservée à Grenoble : « Le début du XIXe siècle était propice à ce type de trouvailles, explique-t-elle. Il y avait un environnement, intellectuel et politique favorable au déchiffrement des hiéroglyphes. Il est aussi certain que Jean-François doit beaucoup à son aîné Jacques-Joseph. Les deux frères ont 12 ans d’écart. Aussi génial soit-il, Jean-François a eu la chance d’avoir un frère qui le canalise, le pousse et accessoirement, le finance ! De son côté, Jacques-Joseph a très probablement vu très tôt le potentiel de son cadet. Comme les parents étaient absents dans l’éducation, il a joué le rôle de père auprès du futur découvreur. »

Coté langues, si Jacques-Joseph connaissait le latin et le grec qui faisaient partie de l’enseignement de base de l’époque, il est probable, comme il a aidé son frère, qu’il devait avoir des notions de langues orientales. C’est aussi par son intermédiaire que Jean-François a l’information sur la redécouverte de la pierre de Rosette par l’expédition napoléonienne en Egypte en 1799.

2- Jean-François Champollion était « HPI : haut potentiel intellectuel »

Karine Madrigal raconte, « Jean-François Champollion a eu une scolarité chaotique, et il n’était pas bon du tout. Au début à Figeac (Lot), où il est né le 23 décembre 1790, il est élève pendant la période révolutionnaire : les écoles ferment puis rouvrent… Ensuite, au Lycée impérial à Grenoble, la discipline très stricte ne lui convient pas. En classe, il papillonne, et n’arrive pas à se concentrer. Mais ce garçon a su lire très jeune. Une légende veut qu’il ait appris la lecture dans le missel de sa mère. Jean-François Champollion correspond au schéma de ces enfants très intelligents qui ont du mal à s’adapter au système scolaire - que l'on désigne aujourd'hui sous le terme de HPI. Ils sont souvent monomaniaques, alors si on leur donne de quoi nourrir leur intérêt, ils s’y jettent à fond. C’est ce qui est arrivé à Jean-François. »

3- Jean-François Champollion fait sa découverte grâce à une intuition et sans être encore allé en Egypte !

Histoire de
35 min

Tout savant et sérieux, le spécialiste des langues va devancer son concurrent anglais Thomas Young dans la course au déchiffrage de l’écriture de l’Egypte ancienne grâce à une intuition. Tous les deux maîtrisent le copte, la langue qui se rapproche le plus de l’égyptien ancien.

Karine Madrigal explique : "Champollion a réussi à se détacher de ses concurrents, et de ses prédécesseurs au moment où il a avancé que les hiéroglyphes pouvaient être phonétiques et idéographiques."

Le 27 septembre 1822, il écrit la lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques dans laquelle il fait part de sa découverte d'un système de déchiffrement des hiéroglyphes. Au moment de son fameux « Je tiens l’affaire ! » prononcé deux semaines plus tôt, le 14 septembre 1822, ce passionné d’Egypte, ne s’est encore jamais rendu dans le pays dont il étudie l’histoire ancienne.

À Grenoble, Jean-François Champollion a accès au fonds de la bibliothèque publique qui conserve beaucoup d'ouvrages. Il a à sa disposition tout qu’ont écrit avant lui les voyageurs sur l'antiquité égyptienne. À Paris, à la Bibliothèque royale impériale, notre BNF actuelle, le chercheur consulte tout ce qui lui passe sous la main. Il étudie le copte, des langues orientales, même le chinois… Il explore toutes les pistes possibles, pour trouver l'idée qui lui ferait comprendre comment fonctionne le système hiéroglyphique égyptien.

Après sa découverte de septembre 1822, le déchiffreur se retrouve coincé. Il lui manque des textes hiéroglyphiques pour confirmer ses intuitions, et étoffer son système de traduction. C'est pour cela qu'il se rend enfin en Égypte en 1828 et 1829. Il meurt le 4 mars 1832, épuisé après avoir, comme l'écrira Honoré de Balzac, un an après, "consumé sa vie à lire les hiéroglyphes."

4- Il existe d'autres hiéroglyphes

Les hiéroglyphes égyptiens anciens sont les plus connus chez nous. Ils ne sont pourtant pas uniques. D'autres peuples ont adopté ce système d'écriture. C'est le cas des Hittites (peuple ancien vivant en Cappadoce, actuelle Turquie, il y a 4 000 ans) dont le système d'écriture fait de signes a été déchiffré au XXe siècle. Les hiéroglyphes crétois des peuples vivant dans l'île entre -2100 et -1700 avant JC n'ont, eux, pas été décodés. En Amérique, l'écriture hiéroglyphique maya est toujours en cours de déchiffrement. Elle mêle glyphes et syllabes, ce qui rend la tâche assez complexe. Plus au Nord, au Canada, les micmacs, l'une des premières nations du pays a elle aussi produit une écriture faite de dessins.

5- D'autres langues sont encore à déchiffrer

Autant en emporte l’Histoire
56 min

Avis aux futurs Champollion : il existe encore de multiples langues à explorer, souvent très anciennes, qui n'ont pas été traduites fautes de documents bilingues, comme la pierre de Rosette, ou en l'absence de langues cousines, comme le copte pour la langue des hiéroglyphes. On peut citer le linéaire A en Grèce antique, l'écriture Zapotèque (500 av JC) chez les Amérindiens, le Khitan datant du Xe siècle dans le Nord-Est de la Chine. Plus proches de nous, l'étrusque, ou le gaulois, langue disparue depuis le troisième siècle après Jésus-Christ, et peu écrite, n'ont pas été complètement traduites…

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