Les îles peuvent-elles vraiment nous faire rêver ?

Les îles peuvent-elles vraiment nous faire rêver ? ©Getty - Matt Anderson Photography
Les îles peuvent-elles vraiment nous faire rêver ? ©Getty - Matt Anderson Photography
Les îles peuvent-elles vraiment nous faire rêver ? ©Getty - Matt Anderson Photography
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Il existe toutes sortes d’îles, des îles habitées, désertes, hospitalières ou celles sur lesquelles il est même impossible de débarquer. Cette grande fluidité de l’île est sans doute la raison pour laquelle chacun peut y projeter ses rêves ou ses peurs.

Oui Ali, parce que si les îles nous font souvent rêver, si elles sont souvent prises pour illustrer l’image d’un paradis préservé, si elles s’imposent comme le luxe ultime des milliardaires qui sortent le carnet de chèque pour s’en payer une pour eux tout seuls ou si encore elles sont devenues les nouveaux terrains de jeu de la télévision : Koh lanta ou L’Île de la tentation…. Elles ont aussi un côté obscur : leur insularité, en fait aussi des prisons à ciel ouvert, d’autant plus cruelles qu’elles sont sans barreaux, comme les iles du Diable au large de la Guyane, transformée en bagne… Ou comme cette île sur laquelle Robinson Crusoé passa 27 ans, isolé du reste du monde à lutter tous les jours pour ne pas devenir fou. L’île a donc une place singulière dans notre imaginaire et son insularité est à double tranchant…

C’est peut-être cela qui en fait tout le charme ?

Oui le charme au sens strict ! les îles exercent sur nous un pouvoir magique que l’on peut essayer de penser. Elles nous charment donc, d’abord parce qu’elles sont indéterminées. Les géographes eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord pour définir une île. Si l’on dit que c’est une terre entourée d’eau, alors au fond un continent est aussi finalement entouré d’eau…et puis il y a des cas limites, prenez l’Australie, et puis d’autres cas limites, les archipels dont les iles sont tellement liées entre elles qu’elles semblent constituer un même territoire, prenez le Japon, certaines régions de la Suède, ou les îles fluviales dans les centres de nos villes reliées par plusieurs ponts…

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Et puis il y a toutes sortes d’îles, des îles habitées, désertes, hospitalières ou celles sur lesquelles il est même impossible de débarquer. Cette grande fluidité de l’île est sans doute la raison pour laquelle chacun peut y projeter ses rêves ou ses peurs. L’ile sauve le naufragé mais l’enferme aussi, elle dépayse les voyageurs et les touristes mais elle les isole aussi. Elle est un monde à elle toute seule, mais un monde miniature à taille humaine, dont on espère pouvoir faire le tour et maîtriser ou rendre familier tous les aspects. Un monde à la mesure d’une liberté strictement humaine. Comme le remarquait le philosophe Gilles Deleuze dans ses textes sur les iles désertes, l’île c’est là où tout recommence. Où tout peut recommencer…Et c’est ce qu’il y a de plus séduisant dans l’île : elle se propose comme le point de départ d’une nouvelle histoire, comme une exploration ou comme un refuge.

La seule limite à cette nouvelle histoire c’est quand cette tentation de l’ile rime en fait avec la tentation de l’isolement

Et de l’auto-suffisance. Parce que nous autres humains, nous ne sommes pas des îles. Comme le dit le poète anglais John Donne : « Nul homme n’est une île, complète en elle-même; chaque homme est un morceau du continent, une part de l’océan (…) ». Ou autrement, comme le remarque le philosophe Merleau-Ponty, nous sommes des êtres de relations. Cela veut dire que tout ce que nous devenons, nous le devons à notre ouverture aux autres et à la possibilité que cette ouverture soit sans cesse renouvelée par de nouvelles rencontres. Tout l’enjeu donc c’est de détourner l’ile de son insularité pour la penser comme un point de rencontre, comme un carrefour de routes maritimes et de destinées existentielles, comme une condensation de notre monde et non pas comme un autre monde, à l’écart du monde.

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