Marisa Berenson, divine diva

Actrice, top model, it girl, muse, Marisa Berenson est la somme de toutes les quintessences du style et du glamour. Mais pas que. Portrait.
Marisa Berenson divine diva
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L’emploi du temps de Marisa Berenson ressemble toujours à un calendrier mondain digne du statut de jet-setteuse internationale qu’elle cultive depuis plus de 50 ans. « Le festival du film de Marrakech, Séville, oh il faut aller à Séville, New York, Paris » pour les charities qu’elle défend (notamment pour l’hôpital Robert-Debré). Il faut dire que chez les Berenson-Schiaparelli, l’exposition médiatique est une tradition de famille. Née à New-York en 1947, Vittoria Marisa Schiaparelli Berenson n’a guère le choix : Elle n’a que quelques jours lorsque son premier portrait, par Irving Penn, est publié dans le Vogue américain. Le matriarcat est au grand complet : sa grand-mère, la couturière Elsa Schiaparelli et sa mère, Yvonne, rebaptisée Gogo, sont penchées telles de bonnes fées sur le berceau de baby. En effet, Marisa décroche à la naissance la timbale d’un destin exceptionnel où les hommes sont brillants, mais ce sont les femmes qui font parler d’elles…

Sa grand-mère, Schiap, est une personnalité hors du commun qui s’est retrouvée abandonnée par son époux de comte, sans le sou pour élever seule sa fille aux États-Unis avant de bâtir un empire avec sa maison de couture éponyme. Elsa Schiaparelli a vécu toute sa vie des rentes d’un parfum baptisé « Shocking » (lancé en 1936 !) et a inspiré un chef-d’œuvre de Dali. Sévère et peu chaleureuse avec sa petite fille, elle ne rêve pour Marisa que d’un mariage qui la mettrait à l’abri du besoin.

Dans la famille, la mode, la célébrité et la beauté est aussi une histoire d’héritage. En 1952, Marisa Berenson fait la couverture du Elle américain avec sa sœur, en Schiap’, of course. Les clients de la maison deviennent des amis, et la petite Marisa côtoie Gene Kelly,Greta Garbo et Audrey Hepburn, Onassis, le Duc de Windsor, Cocteau ou Man Ray à la maison. Elle traverse une enfance solitaire dans une famille d’excentriques. Elle se décrit elle-même, petite, comme déjà très « existentialiste ».

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Marisa Bereson en 1964.

Quand on lui demande si sa grand-mère lui a transmis des choses, Marisa Berenson répond, sans rancune. « Non, vraiment pas. J’ai tout appris seule. Mon éducation m’a apporté une discipline et une rigueur, ça m’a aidé – même si je n’ai pas aimé ça, j’étais rebelle. J’ai dans mes gênes beaucoup de la liberté d’esprit de ma grand-mère, de son indépendance, de sa détermination. » Et c’est pour rendre hommage à cette grand-mère qu’elle sort aujourd’hui un livre de photos de famille, Elsa Schiaparelli’s Private Album, (Ed. Double-Barrelled Books). « En fait, je me suis rendue compte que toutes les photos de ma grand-mère – et les miennes – étaient chez Condé Nast (éditeur de Vanity Fair, ndr). Une vie entière chez Condé Nast ! » sourit-elle, le visage lumineux. Une occasion de remettre de l’ordre dans les photos de famille après avoir vendu aux enchères 180 lots de la collection personnelle d’Elsa Schiaparelli chez Christie’s en janvier 2014.

Marisa et sa sœur Berinthia grandissent dans l’hôtel particulier familial, au 22 rue de Berri à Paris. Au milieu des Dali, Giacometti,Picasso et des peaux de panthère, elle passe beaucoup de temps avec sa grand mère, qui ne travaille déjà plus (sa boutique place Vendôme a fermé et la marque a fait faillite en 1954). « Elle m’impressionnait, avoue Marisa, avec son maquillage fait maison improvisé : en guise de khol, elle utilisait les cendres d’une allumette craquée sur un pot de crème en émail. » S’il lui a fallu du temps pour pacifier les relations grand-mère/mère/fille, elle est aujourd’hui très fière que sa propre fille porte des valeurs qui lui sont chères (Melody Starlite a une formation de psychothérapeute et travaille dans une « start-up humanitaire », Horyou, à New York). Elle n’a plus de lien avec la maison de couture Schiaparelli, autrefois la grande rivale de Chanel, rachetée par Diego della Valle, le président de Tod’s et dont le designer star, Marco Zanini, vient d’annoncer son départ, un an tout juste après son embauche.

Adolescente, Marisa revient en larme de son premier rendez-vous avec Eileen Ford, la prêtresse des castings : « Tu n’as pas le bon look. Tu ne seras jamais modèle » lui assène-t-elle. C’est Diana Vreeland, une amie de la famille qu’elle considère un peu comme sa marraine, qui lui met le pied à l’étrier. La rédactrice en chef du Vogue US lui fait faire sa première couverture à 16 ans. Marisa devient top modèle. Sa grand-mère est furax.

Sa beauté légendaire fait d’elle la top la mieux payée au monde. Les plus grands photographes se l’arrachent : **Avedon,****Bailey,Sieff, Newton, Stern, Mapplethorpe, Beaton, etc. De sa plastique et de son effet sur le monde, Marisa dit être tombée des nues : « Je n’avais aucune conscience que j’étais jolie. Je ne me trouvais pas jolie du tout, j’étais peu sûre de moi, fragile, sensible, je venais de perdre mon père. Ma grand mère était horrifiée par ma carrière (ça la fait rire, ndr). Très jeune, je voulais déployer mes ailes. Mais pour vivre dans le monde il faut être préparé sinon on se brûle tout de suite. »

À la fin des années 1960, elle lisse encore ses cheveux (elle les porte naturellement bouclés aujourd’hui), comme Diane Halfin, sa grande amie. Toutes deux voyagent et font la fête ensemble, quid d’un dîner à La Coupole ou d’un weekend au Quisisana à Capri, à Saint-Moritz ou à New-York. Marisa se fiance à l’un des hommes les plus riches au monde, David de Rothschild. Diane épouse le prince von Fürstenberg en 1969 et devient la créatrice de la robe « portefeuille »…

En juillet 1970, elle fait pour la première fois la couverture du Vogue UK, non seulement en tant que mannequin, mais en tant que personnalité, au bras de son grand amour, l’acteur Helmut Berger, lui-même muse et amant de Visconti, sous l’objectif de David Bailey. Tout est permis. Grâce à Helmut Berger, qui lui présente Luchino Visconti, elle tourne dans Mort à Venise en 1971. Puis enchaîne avec Cabaret de Bob Fosse en 1972 et Barry Lyndon de Stanley Kubricken 1975, qui l’amènera à faire la couverture du Time le 15 décembre de la même année, perruquée en Madame Lyndon. « Je ne m’y attendais pas du tout ! commente-t-elle. Je n’étais pas préparée ni éduquée pour ça, j’avais toujours été enfermée dans des pensions, ça a été tellement rapide que si je n’avais pas eu cette dimension spirituelle en moi, j’aurais été détruite par tout ce qui s’est passé autour – des amis et des gens merveilleux que je connaissais sont morts, sont tombés dans la drogue ou ont été totalement détruits par cette vie. C’était une période extraordinaire de créativité, on pouvait s’exprimer dans tous les sens. C’était fantastique d’être jeune, de rencontrer tous ces gens merveilleux qui croyaient en moi et m’ont propulsé dans ce monde. »

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Au côté d'Yves Saint Laurent, en 1976.

Les années 1970 s’emballent. Bien plus qu’un simple mannequin, Marisa est la muse du Studio 54 et entraîne avec elle la faune new-yorkaise la plus exubérante. Le Harper’s Bazaar la décrit alors comme un « séismographe », une machine à repérer les tendances, les looks, les adresses, les gens. Tout ce qu’elle touche se transforme en hype. Elle parcourt l’Inde avec les**Beatles**et Mia Farrow, découvre le yoga et la méditation. Yves Saint Laurentla nomme it girl de la décennie. Sa sœur Berry, mannequin et photographe épouse l’icône Anthony Perkins en 1973. Marisa, elle, épouse en 1976 le millionnaire américain James Randall, le père de sa fille. C’est la mariage de l’année : 800 invités dans leur Mansion de Beverly Hills avec une affiche digne d’un casting de Hollywood : Jack Nicholson et Angelica Huston, Tony Curtis, Ryan O’Neal, Liza Minnelli, George Hamilton. Valentino lui repasse sa robe, Andy Warhol s’amuse à faire des photos. Mais la noce tourne vite au vinaigre. « Après ce tourbillon, il y a eu une période très très difficile. Aujourd’hui, je suis plus sereine, plus saine, plus en paix, plus équilibrée, avec moins de choses qui encombrent ma vie. Afin de bien fonctionner, il faut aussi être très discipliné. C’est la première chose que Diana Vreeland m’a apprise », se remémore-t-elle aujourd’hui.

Les épreuves n’ont pas épargné Marisa Berenson qui a perdu son père en pleine adolescence, sa sœur Berry dans le crash du vol AA11, le premier avion qui a heurté le World Trade Center. Elle a traversé deux mariages difficiles (le second en 1982 avec l’avocat Richard Golub dont Andy Warhol dira dans ses mémoires « C’est juste un autre mec qui cherche une jolie fille pour être dans les journaux »), a élevé sa fille seule, et survécu à un grave accident de voiture au Brésil. « Je suis quelqu’un de fragile et forte à la fois, j’ai toujours su ce que je voulais. Évidemment je suis tombée, je me suis relevée, je me suis cassée la figure, j’ai traversé des expériences de vie absolument tragiques et dramatiques mais le corps de mon être est resté tel quel. C’est ce qui fait que j’ai survécu et que je suis encore là pour raconter l’histoire. En bonne santé ! Si je n’avais pas eu ça, je serais morte ou détruite par la vie. Parallèlement à cette carrière fulgurante et à ce tourbillon extraordinaire qu’était ma vie alors, j’ai pu garder ma santé mentale. Ce qui m’a sauvée, c’est cette volonté d’évoluer vers la lumière, l’amélioration et la construction de mon être. Ça s’appelle l’instinct de survie. Je pense que je suis née avec ça. »

Marisa Berenson est ainsi, bien plus qu’un agenda mondain et des kilomètres de name-dropping. Celle que l’on rencontre lovée dans une suite arthictecturale du Grand d’Amsterdam est telle que le couturier Valentino l’avait décrite des années auparavant. « Très humaine, très humble, très forte, très touchante. » À l’heure où toutes les starlettes s’inquiètent de ce qu’on dira d’elles, Marisa fait confiance. Son portrait ? Non, elle ne veut pas le relire. Elle est sûre que ce sera très bien. Elle en rit. Elle en impose. Elle parle de bonnes énergies. Elle est empathique, bienveillante, tranquille, heureuse. C’est une artiste.

A 67 ans, Marisa Berenson fourmille de projets. En 2015, son nouveau chapitre a pour décor Marrakech. « Nous sommes en train de faire construire une maison merveilleuse avec un spa. Une maison de famille avec ma mère, mon chien, ma fille, mon potager. Ma vie a toujours été faite comme ça, de cycles de vie… » sourit-elle. Ce « nous » inclus son nouveau compagnon « de vie et de business », Jean-Michel Simonian. « C’est lui qui m’a amené à rencontrer Marrakech. » Il vient de signer la conception du spa de la Mamounia quand il propose à Marisa de créer une ligne complète de produits de soins pour Sofitel. Elle finira par signer le design intérieur et le mobilier du spa. « J’avais déjà sorti l’Huile fabuleuse à l’époque et Sofitel cherchait un nouveau rituel de soin. Petite, ma grand-mère ramenait régulièrement de Tunisie une huile dont j’ignorais l’origine. Lorsque j’ai fait analyser les échantillons, j’ai découvert que c’était de l’extrait de figue de Barbarie. » Et voilà la ligne, éponyme, lancée il y a deux ans, qui s’agrandit aujourd’hui.

En passant à la boutique de la Cristallerie Saint-Louis à Paris, Marisa imagine détourner ces sublimes carafes pour un rituel de princesse version spas mille et une nuits. Présente dans neuf So Spa (Marseille, Londres, Munich, Amsterdam, etc.) à travers le monde à travers des soins cabine (un soin corps et un soin visage) et les produits en boutique, Marisa se retrouvera à Dubaï, Los Angeles et Macau pour 2015. « J’ai rencontré très tôt un naturopathe qui me soigne depuis le début de ma carrière et qui me faisait des formules de soins de peau sur-mesure. J’avais envie de développer ce qui marchait pour moi. C’est plus un luxe c’est une nécessité que de s’occuper de soi, le monde est devenu fou et on vit dans un stress incroyable. » Et quand on lui parle de son approche de la beauté, celle qui a été photographiée et observée toute sa vie, évoque la philosophie holistique comme secret pour perdurer : « Quand j’ai commencé à faire des photos, je savais que j’avais besoin de trouver l’harmonie et le bien-être sinon je ne survivrais pas. J’ai commencé un chemin spirituel pour construire la racine de mon être, par la façon de me soigner, le yoga, la méditation, etc. La beauté ce n’est pas avoir 20 ans et ne pas avoir de rides. Pour moi la beauté c’est quelque chose qui rayonne de son être à travers la peau, les yeux, mais aussi la façon dont on affronte la vie, dont on transmet l’énergie. J’avais un peu de difficultés d’être dans ce monde agressif… Il fallait que je me trouve moi d’abord et j’ai trouvé des êtres exceptionnels sur ce chemin qui m’ont appris ce que c’était que de se sentir bien. »

Et c’est donc en tout logique, qu’elle distille ses recettes maison à travers le monde. Dès janvier, elle signera une carte de menus « forme » à son nom dans les restaurants Sofitel. Une carte inspirée de son régime healthy depuis toujours : sans gluten, sans blé, sans sel, sans sucre, sans produit laitier et végétarien. Le régime paraît salé ! Mais en nous vantant ses cookies « juste avec du cacao, de la coco et des amandes », on salive déjà. « J’ai toujours mangé comme ça, mais les gens prennent de plus en plus conscience de la façon dont ils se nourrissent parce que la santé devient primordiale. C’est une question de nécessité, de survie, pas juste pour être belle. Je ne suis pas du tout diète car je pense que c’est malsain pour l’esprit, pour le corps et c’est déprimant. J’adore manger et j’ai développé pour moi une façon de manger à ma faim, très saine, délicieuse, avec du pain, des gâteaux au chocolat et des pâtes-. Pour moi, c’est de la « Beautyfood », et c’est une joie que de bien manger. » Elle planche sur un projet de livre bien-être qui prônera ses secrets de beauté, comme elle, peu conventionnels. Bref, Marisa Berenson n’a pas fini de nous surprendre…

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